Novembre 2008 /178
Novembre 2008 /178

Notger et son temps

Le premier prince-évêque de Liège au centre d’un colloque

 

 

 Notre société, on le sait, est friande de commémorations. Comme si, effrayée par des lendemains pour le moins incertains, elle ne pouvait s’empêcher d’aborder l’avenir qu’avec un œil rivé sur le rétroviseur. Pour se limiter au passé liégeois, le décès de Notger survenu le 10 avril 1008 – soit un peu plus de 1000 ans aujourd’hui – n’a cependant retenu que peu l’attention et n’a fait l’objet, en tout cas, d’aucun battage médiatique digne de ce nom. 

Fondateur de Liège

 

Et pourtant, s’il y a bien un personnage historique dont l’action a été déterminante sur l’émergence de la Cité ardente et de son pays sur la scène européenne, c’est bien celle de cet aristocrate né en Souabe (ou Alémanie) vers 930, reçu moine à l’abbaye bénédictine de Saint-Gall en Suisse, accueilli plus tard à la Hofkapelle ou “chapelle impériale” où se formaient à l’époque  les évêques – sorte d’ENA avant la lettre – et appelé début 972 par l’empereur germanique Otton Ier à occuper le siège épiscopal de saint Lambert, devenu vacant à la suite de la disparition d’Eracle. Et le 6 janvier 980, il reçoit d’Otton II, en faveur de son Eglise, un diplôme d’immunité générale, prélude à l’acte de naissance de la principauté de Liège. 

« En fait, c’est avec l’acquisition du comté de Huy le 7 juillet 985 que Notger devient non seulement comte mais aussi prince-évêque puisque, à partir de cette date, il détient des pouvoirs identiques à ceux des grands seigneurs laïcs héréditaires », précise Jean-Louis Kupper, professeur d’histoire du Moyen Age à l’université de Liège. Lequel a mis sur pied, en compagnie du chargé de recherches FNRS en histoire médiévale Alexis Wilkin, un colloque international relatif à “Notger et son temps”. Tous deux insistent sur l’intérêt porté par les historiens allemands et français sur la figure notgérienne : avec elle naît le système de l’“Eglise impériale” ottonienne; avec elle commence également le développement d’une ville et de son territoire au cœur de l’Europe, dans une aire géographique située entre Escaut et Rhin qui avait suscité pas mal de convoitises dès la décomposition de l’Empire de Charlemagne.  

« Le Xe siècle est une période riche en événements, insiste le Pr Jean-Louis Kupper, car comme Liège a accédé alors au statut de capitale politique, il y a nécessité de la protéger des appétits voisins, notamment du duc de Lotharingie Charles, prince carolingien “très puissant par les armes” et candidat malheureux au trône de France en 987. Notger va d’autant plus facilement s’atteler à cette tâche qu’il dispose maintenant de revenus substantiels émanant du Saint-Empire germanique et, bien sûr, de son appui inconditionnel. La refondation de la cité mosane, ceinte de fortifications de pierre, c’est lui. L’édification de collégiales (Saint-Martin, Saint-Paul, Saint-Denis, Sainte-Croix, Saint-Jean-l’Evangéliste), c’est encore lui. Les fondements de la cathédrale Sainte-Marie et Saint-Lambert, près de l’actuel Palais de justice, c’est toujours lui. » Œuvre de bâtisseur que souligne la célèbre maxime “Liège, tu dois Notger au Christ, et le reste à Notger !”.

statue Notger Palais

Photo: G. Guissard-Service Communication - Province de Liège
Statue de Notger sur la façade ouest du Palais des Princes-Evêques de Liège
  

Parmi les grands

 

Cette empreinte laissée par le premier prince-évêque de la principauté épiscopale de Liège est restée dans la mémoire collective de bon nombre de nos contemporains. « A côté de saint Lambert et de Velbruck, il est pratiquement le seul dont les Liégeois se souviennent du nom », renchérit Alexis Wilkin qui, indépendamment de son inscription dans le passé de Liège, se plaît à souligner le rôle diplomatique d’une personnalité locale hors du commun. « Sa dimension internationale et son rôle diplomatique à un moment-charnière de l’histoire de l’Occident ne sont pas à négliger. » Elément, parmi d’autres, que le colloque ne manquera pas de mettre en évidence, au même titre que le contexte religieux, politique et culturel dans lequel le prestigieux prélat a vécu.

  

Henri Deleersnijder  

Colloque international “Notger et son temps”, les 19, 20 et 21 novembre, salle du Théâtre universitaire, quai Roosevelt 18 (bât. A4), 4000 Liège. 

Contacts : tél. 04.366.53.64, courriel Alexis.Wilkin@ulg.ac.be, site www.schist.ulg.ac.be/histma/Notger.htm

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