La notion de patrimoine immatériel, très complexe et très vaste puisqu’elle s’étend des traditions et expressions orales aux rituels et pratiques sociales en passant par les arts d’interprétation et les savoir-faire traditionnels, Françoise Lempereur en a fait son domaine de prédilection. Dans le cadre de sa thèse de doctorat, elle a examiné les conditions théoriques et pratiques pour en réaliser l’inventaire, en collaboration avec des chercheurs de l’université Laval de Québec. Le but ? Il est double : premièrement, identifier et rendre visible le porteur de tradition ; deuxièmement, affirmer la propriété commune du patrimoine en question pour le protéger de tout qui voudrait se l’approprier et éviter ainsi une déformation des valeurs culturelles. « C’est ce qui s’est passé avec la lambada dont la version “tube de l’été” en Europe occidentale a été construite à partir d’une mélodie bolivienne et d’une danse traditionnelle brésilienne. Des gens peu scrupuleux se les sont appropriées et ont gagné des millions sur le dos des communautés à qui elles appartenaient. Idem en Amazonie, où les autochtones se font déposséder de leurs connaissances médicinales par l’industrie pharmaceutique. Ils finiront par payer pour accéder à un processus traditionnel qui appartient à leur collectivité depuis des siècles », constate-t-elle.
Heureusement, aujourd’hui, 104 pays – dont la Belgique – ont signé la convention de sauvegarde du patrimoine culturel énoncée par l’Unesco le 18 octobre 2003. Pourquoi une prise de conscience aussi tardive ? « Parce que la mondialisation culturelle est de plus en plus flagrante. De plus en plus de personnes écoutent la même musique, lisent les mêmes livres, parlent la même langue. Il ne s’agit pas ici de défendre des particularismes mais de valoriser la diversité culturelle », relate la spécialiste. Alors que nombreuses sont les communautés à posséder des trésors, elles sont souvent rejetées par manque de moyens et/ou de protection.
Parce que les photos, films, objets et textes valent parfois mieux qu’un long discours, une exposition et un site internet permanent vont être entièrement consacrés au patrimoine immatériel de Wallonie. L’exposition “Traditions au présent. Regards croisés Wallonie-Québec sur le patrimoine immatériel” se tiendra simultanément à partir du 15 novembre à la Maison de la métallurgie de Liège et à la Maison des géants à Ath, pour ensuite fusionner en un seul et grand événement, visible en 2009 aux Moulins de Beez à Namur.

A Liège, c’est André Gob, professeur de muséologie à l’ULg, qui a mis en forme des thèmes aussi variés que les savoir-faire, plus particulièrement la sidérurgie ou la confection de mets de fêtes, les loisirs liés aux oiseaux comme les chanteries de coqs ou encore de pinsons ainsi que la colombophilie. Pour ceux qui voudraient aller plus loin, il suffira dorénavant de quelques clics pour accéder à un site internet où l’internaute pourra également poster ses propres témoignages, lesquels seront réinjectés sur le site après mise en forme et classement.
Une exposition et un site internet, deux techniques pour sensibiliser les plus jeunes de manière ludique et interactive à un patrimoine wallon en danger et leur rappeler, s’il le faut, le rôle important qu’ils ont à jouer dans sa perpétuation.
Martha Regueiro