Décembre 2008 /179

Le défi de la paix

 

Goma, dernier écueil pour un Congo démocratique ? 

 

  2006 aura été l’année de la République démocratique du Congo (RDC). Après une guerre qui aura causé la mort de plus de 5,4 millions de personnes*, des élections démocratiques attendues depuis plus de 40 ans ont pu être organisées. Elles ont permis la mise en place de nouvelles institutions politiques : un président élu, un parlement composé des députés nationaux et des sénateurs élus, des assemblées provinciales légitimes, des exécutifs nationaux et provinciaux investis. On aurait pu penser que la RDC allait quitter la rubrique des catastrophes humanitaires et des conflits majeurs pour prendre sa place dans le concert des nations démocratiques. Malheureusement, encore une fois, l’est du pays non pacifié est le théâtre de nouvelles violences. Ces violences sont le fait aussi bien des soldats gouvernementaux que des groupes armés dont celui du général déchu Laurent Nkunda, actif dans le Nord-Kivu. L’est de la RDC est la manifestation de ce que le Pr Nouschi qualifie de “fractures du système local”** car le territoire, la frontière, l’identité nationale, l’autorité étatique y sont les plus fragiles. 

S5000380-1En septembre 2007, pour résoudre cette problématique et retrouver l’intégrité du territoire, le gouvernement congolais opte dans un premier temps pour l’option militaire malgré les mises en garde de la communauté internationale. Des milliers de militaires de l’armée gouvernementale sont mobilisés et déployés dans la province du Nord-Kivu contre la milice de Nkunda. Après de violents combats, l’armée congolaise enregistre quelques succès mais, assez rapidement, l’offensive militaire se solde par une sévère défaite. La RDC justifie cette déroute par l’absence d’appui de la Mission de l’organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (Monuc). Celle-ci dispose de plus de 17 000 hommes dont 6000 positionnés dans l’Est du pays où elle agit sous le chapitre 7 de la Charte des Nations unies. Sa mission est donc, notamment, de protéger les populations civiles. 

Après cette défaite, le gouvernement congolais change de politique et opte pour des négociations. Une grande conférence est organisée à Goma en janvier 2008. Cette “Conférence sur la paix, la sécurité et le développement du Nord et du Sud-Kivu” rassemble plus de 1300 participants dont des représentants de toutes les couches de la population. Son objectif est de faire des propositions au gouvernement de la République sur les voies et moyens de jeter les bases d’une paix durable et d’un développement intégral dans les Kivus. Elle s’est achevée par la signature d’un acte d’engagement par toutes les parties concernées ainsi que par l’adoption de recommandations et de résolutions sur des questions politiques, humanitaires et de développement. La signature de ces textes ne résout pas, bien entendu, les problèmes de sécurité, de paix et de développement des deux provinces. Un nouveau défi se profile : leur mise en œuvre n’est ni suffisamment garantie, ni concrétisée et leur appropriation par la population est au point mort. 

Par ailleurs, la Conférence a aussi traité de la question du désarmement des groupes armés étrangers et nationaux. Les rebelles hutus rwandais présents sur le territoire congolais ne furent pas représentés, car non originaires du Kivu. Ceux-ci ont déclaré ne pas se sentir liés par les décisions et recommandations de la Conférence, tandis que la milice de Laurent Nkunda et les autres groupes armés tentèrent de détourner l’essentiel des travaux à leur avantage. 

 

Cette conjonction d’intérêts divergents devait fatalement déboucher sur une confrontation entre ces différents groupes et l’armée congolaise. Le désastre humanitaire tant redouté est arrivé : deux millions de déplacés internes, des centaines de morts, réapparition des épidémies dans les camps de déplacés. La Monuc se révèle incapable d’agir pour protéger les populations civiles. Une fois de plus, ses insuffisances apparaissent au grand jour : les troupes engagées sur le terrain n’assument pas leur responsabilité, car elles ne dépendent pas du commandement onusien mais bien de leurs gouvernements respectifs. Cette dispersion de l’autorité rend toute coordination militaire hasardeuse. Des violations graves de droits de l’homme se déroulent impunément, au vu et au su des troupes onusiennes censées y mettre fin. Ainsi se pose à nouveau la question des mandats des différents Casques bleus engagés sur des terrains difficiles comme la RDC. Sont-ils suffisants, crédibles et efficaces ? 

Pour relancer le processus de paix et offrir à la population une sécurité minimale et de vraies perspectives de développement, deux pistes majeures s’avèrent incontournables. D’une part, il faut exercer une réelle pression diplomatique, politique, mais aussi militaire auprès des différents acteurs impliqués, notamment grâce à l’envoi de troupes européennes dans cette partie du pays (à l’image de l’opération belgo-franco-allemande, dite “opération Artemis”, qui a permis la pacification de Bunia, ravagée par la violence pendant plusieurs années). D’autre part et parallèlement, il est primordial de restructurer l’armée congolaise et de la transformer en une armée républicaine. Les coûts, politiques et financiers, sont élevés et les difficultés sont “vertigineuses” mais la paix est à ce prix. 

Bob Kabamba
chargé de cours au département de sciences politiques 

* International Rescue Committee, Mortalité en République démocratique du Congo. La Crise continue, Kinshasa, mai 2008. 
** Marc Nouschi, Lexique de géopolitique, Paris, Armand Collin, 1998, p.38.

  
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