Gustave Serrurier-Bovy n’échappe pas à l’adage qui veut qu’un artiste mondialement estimé demeure bien souvent inconnu dans son propre pays. En attendant d’être couvert des lauriers qui tardent injustement à tomber, l’artiste investit le Musée d’art moderne et d’art contemporain (Mamac) pour une rétrospective d’envergure, première du genre à Liège. L’événement prend un caractère d’autant plus exceptionnel qu’il centralise une centaine de pièces – provenant tant de la sphère publique que privée – qui permettent la reconstitution de plusieurs ensembles.
Artiste pluriel, Serrurier est tour à tour architecte, décorateur, ébéniste, architecte d’intérieur, concepteur de mobiliers et de luminaires. Autant de costumes revêtus par le Maître et qui donnent à l’exposition un cachet particulier. Calqué sur la chronologie de son parcours artistique, l’itinéraire propose à la fois des ensembles de mobilier (chambres, salons, salles à manger, bureaux), des objets de décoration intérieure (porte-photos, bougeoirs, cadres, miroirs, cache-pots) et des bijoux.
Une kyrielle de pièces qui, éclairées tantôt par des citations de l’artiste, tantôt par les commentaires des commissaires scientifiques, sont bien mises en valeur.
Quand les créations exposées ne sont pas le résultat de commandes particulières, la démarche artistique se montre soucieuse de réduire le fossé entre objets d’art et grand public. En effet, loin des considérations défendues par les partisans de l’élitisme artistique, Gustave Serrurier-Bovy s’érige en représentant d’un art avant tout social et fonctionnel. Le plaisir esthétique au quotidien, au service du quotidien. Un défi qu’il relèvera à la faveur de matériaux industriels et bon marché – valorisés, par exemple, par des motifs aux pochoirs – et d’une logique de travail qui élèvera l’artiste au firmament des figures originales de son époque.
Par l’emprunt des méandres de l’art pensé par Serrurier, c’est cette idée d’un artiste en avance sur son temps qui affleure. Si bien que son appartenance à l’Art nouveau – mouvement auquel il est généralement associé – est interrogée et remise en question par l’exposition au profit d’une place ancrée dans les prémices du modernisme et du design industriel. Ses modèles pensés et taillés pour la fabrication en série – sobres, cohérents et rigoureux dans leur construction – trahissent cet esprit novateur. Le résultat est par moments impressionnant d’ingéniosité, comme en témoigne l’ensemble “Silex” dont les meubles sont déjà conçus sous forme d’éléments en kit à assembler. Ou encore “L’étagère combinable” : un modèle d’étagère décliné en trois hauteurs juxtaposables et conservant une même largeur, permettant ainsi de former des combinaisons différentes selon les besoins. Le géant suédois du mobilier n’a rien inventé…
Plus qu’un art, Serrurier propose un mode de vie et en critique un autre. Les quelques citations apposées le long de l’exposition prennent ainsi, ici et là, des airs de réflexions sociétales où une forme de simplicité et d’égalité est revendiquée. Une logique industrielle avant l’heure, couplée avec des considérations sociales. Une combinaison séduisante qu’il est encore temps d’admirer jusqu’au 19 janvier 2009.
Michaël Oliveira Magalhães
Photos : Marc Verpoorten - Office du tourisme de la ville de Liège
Exposition Gustave Serrurier-Bovy
Musée d’art moderne et d’art contemporain (Mamac), parc de la Boverie 3, 4020 Liège.
Jusqu’au 19 janvier 2009, du mardi au dimanche de 10 à 18h.
Contacts : tél. 04.343.04.03, site www.exposerrurierbovy.be ou www.mamac.be