Décembre 2008 /179
Saint-Nicolas et ses médaillesLes ordres estudiantins rencontrent un succès discret
Pour peu que l’on puisse débusquer quelque singularité dans les traditionnels oripeaux fangeux des fantassins du folklore estudiantin liégeois, il est possible de remarquer les médailles d’une petite dizaine de centimètres de diamètre qui pendent fièrement au cou de certains initiés. L’une en forme de baignoire, l’autre en soleil ou parfois plus originale.
Si l’on associe sans peine aux comités de baptême les pennes (casquettes à longue visière) et les toges équipant les tabliers blancs qui s’agglomèrent en ville lors des festivités de la Saint-Nicolas, la catégorie un peu plus secrète des ordres estudiantins ne bénéficie pas d’une reconnaissance aussi immédiate. Cet univers un rien suranné, et plutôt “macho”, se veut le refuge d’une certaine idée de la réunion joyeuse d’étudiants où les chants, la camaraderie et les saillies (verbales) tiennent une plus haute importance que la bière. Même si cette dernière reste le produit dopant de tout gouailleur qui se respecte. « Un ordre, c’est un groupement d’étudiants et d’anciens étudiants pour qui la guindaille est autre chose que de s’adonner à des libations, résume Xavier Huppertz, actuel président de l’Agel et chevalier de l’Ordre du Torè. Et, bien que ses membres se situent généralement dans la mouvance des comités de baptême, il n’est pas nécessaire d’être baptisé pour en faire partie. » Cet esprit d’ouverture se prolonge également à travers le décloisonnement entre les Facultés qui y règne, cadrant avec l’esprit universitaire qui prône l’échange des sciences et des savoirs.
De la décoration aux grades
Car si l’ordre revendique 1921 comme date de création (plus tard, selon certains historiens), son fonctionnement a évolué au fil des décennies et après le cap des grandes remises en cause de 1968 qui provoqueront la mise au frigo de bon nombre de traditions estudiantines. « Avant, il ne s’agissait que de décorations décernées à des personnalités du folklore. C’est à partir de sa renaissance dans les années 80 que Le Torè a commencé à devenir, sous l’impulsion de Michel Franckson, un organe de guindaille en tant que tel et qu’il s’est structuré en constitutions et règlements avec des grades tels que Ecuyer, Chevalier, Haut-Officier et Grand-Maître. Sa cape de cérémonie blanche, liserée de noir, comporte une croix pattée noire et un écusson aux armes de Liège. L’ordre est aussi doté de plusieurs médailles en forme de croix de Malte. » Pour y entrer, la personne parrainée doit passer une sorte de baptême assorti d’une épreuve secrète.
Passé ce rappel historique, Michel Peters, ancien président et membre éminent de divers organes représentatifs estudiantins, souligne la singularité de l’ordre de Tchantchès (fondé en 1949 et recréé en 1997, dont il est membre) qui colle davantage avec l’esprit originel. Celui-ci ne recèle en effet qu’un seul grade et ne se réunit qu’une fois par an devant la statue de Tchantchès en Outremeuse. Il a pour seule vocation de distinguer, le jour du cortège de la Saint-Torè, des personnalités qui ont œuvré à la pérennisation de l’esprit estudiantin. Nettement moins discriminatoire que ses homologues, cette assemblée est également la seule à avoir adoubé femmes et policiers, toujours au nom de l’Agel qui décerne les statuettes de Tchantchès.
Calotte liégeoise
Reste une originalité, venant de certains sectateurs des ordres, qui aura peut-être perturbé l’un ou l’autre étudiant éméché lors des festivités sous chapiteau qui se sont déroulées, cette année… un dimanche. Alléguant qu’il s’agissait du jour de repos hebdomadaire de maints commerçants, et qu’une guindaille le soir du jour du Seigneur perturberait moins le ramassage des poubelles, le bourgmestre de Liège avait obtenu cette concession. « Mais pas question que cela s’applique le jour de la Saint-Torè, qui reste l’événement emblématique et dont on fête les 60 ans cette année », rassure le président de l’Agel.
Contrairement aux idées reçues, la penne n’est pas le seul attribut officiel des étudiants de notre Alma mater. Adoptant le couvre-chef traditionnel des campus de l’UCL, certains membres des ordres liégeois se voient également délivrer une calotte liégeoise par le cercle l’Emeraude, qui chapeaute sur cet aspect les ordres du Torè et du Grand Séminaire. Ces cercles englobants, à l’instar de l’ordre de François Villon et de l’ordre du Ménestrel, permettent les rencontres entre amoureux du folklore de toutes les universités du pays, et au-delà. « C’est notamment via ces structures que Liège se rend chaque année à la fête de la faluche, du nom du béret traditionnel des étudiants », relève Michel Peters. Parce que même si certains ignorants se risquent encore à crier “A bas la calotte !”, le folklore dépasse heureusement la simple guerre de couvre-chefs.
Fabrice Terlonge Photo: ULg-TILT Houet
Saint-Nicolas
![]() Photo: Jim Sumkay Comme on pouvait s’y attendre, l’année des changements n’aura pas porté chance à la fête organisée, dimanche, sous le chapiteau implanté par l’Agel au Val-Benoît. 1800 personnes, soit à peine la moitié des effectifs potentiels, étaient présents. «L’obligation de reculer la fête au dimanche et la hausse de 3 euros du tarif forfaitaire à l’entrée ne sont peut-être pas étrangers à ce manque de succès », soulignait un étudiant-responsable à l’heure où les policiers débarquaient pour les premières plaintes de tapage nocturne.
Entre autres changements sous la grande tente, l’Agel avait passé contrat avec un autre brasseur de bière (une étoile a remplacé le taureau) et recouvert le sol d’un vague foin boueux, à la place du traditionnel plancher. L’odeur piquante, nettement plus persistante que d’accoutumée, ajoutait encore au climat étrange nimbé d’une lumière plus faible que d’accoutumée. Heureusement, cette soirée à la ferme n’a pas bridé l’ardeur des étudiants de tout poil qui ont défile le lundi : 2200 participants, selon la police ! La fête aura donc investi le centre-ville, puisque les deux soirées auront aussi permis au Carré de remplir ses artères, jusqu’au petit matin. F.T.
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