Décembre 2008 /179
Ondes de chocL’éclatement de la bulle financière aux Etats-Unis a provoqué le chaos : notre économie accuse le coup. Regards croisés des Prs Bernard Thiry (directeur général d’Ethias) et Bernard Surlemont (entrepreunariat) sur une crise qui prend corps.
![]() Photo: Ethias
Bernard Thiry
Le 15e jour du mois : Après la crise financière, la crise économique… Bernard Thiry : Effectivement. Mais heureusement pour le secteur des assurances, les retombées immédiates de la crise financière sont moins sévères que dans le secteur bancaire ! Globalement, les sociétés d’assurances ont moins de problèmes de liquidité. Mais les marchés boursiers étant à la baisse, les compagnies d’assurances sont confrontées à la chute des valeurs des actions… comme tout le monde. Cependant, elles n’ont pas un besoin urgent de vendre ces actions, autrement dit cette “perte de revenus” est pour l’instant virtuelle. Le secteur des assurances subira néanmoins le contrecoup de la crise économique : lorsque les entreprises vont moins bien, lorsqu’elles déposent le bilan le cas échéant, cela engendre un climat d’incertitude et une baisse de la consommation globale, dont les assurances subiront aussi les conséquences néfastes. Or les perspectives sont négatives dans plusieurs domaines. Les signaux sont passés au rouge dans le secteur de la sidérurgie et de l’automobile, mais la grande et la petite distribution souffrent aussi. Et l’onde de choc est mondiale. A mon avis, la récession sera dure, sévère, mais de courte durée. Notre système économique, malgré les perturbations actuelles, est résistant. Le 15e jour : Voyez-vous tout de même quelques raisons d’espérer ? B.T. : C’est une question de confiance. Vous savez, tout part de là. Au mois d’août dernier, le gouvernement américain a sauvé trois institutions financières mais a laissé tomber la banque Lehman&Brothers. Pour quelle raison ? Je ne sais pas. Cette banque était l’une des plus grosses banques d’affaires et sa faillite a provoqué l’effroi parmi les autres banques qui ont dès lors cessé de se prêter de l’argent entre elles. Le système s’est grippé. En outre, la presse a joué un rôle majeur, très anxiogène pour les lecteurs et téléspectateurs. On peut dire que la panique a gagné la population au fur et à mesure des gros titres dans les journaux. En Belgique, personne ne pouvait imaginer que les banques Fortis et Dexia pourraient connaître de gros problèmes. Mais les gens ont cru qu’ils allaient perdre l’argent mis sur leurs comptes. D’où la réaction – très positive – du gouvernement qui, dans un souci de calmer les inquiétudes, a décidé de garantir les avoirs bancaires jusqu’à une hauteur de 100 000 euros par client en cas de faillite de la banque. Comme il y a vraiment très peu de risques que cela se produise, cette garantie est un peu “gratuite”, mais elle a eu l’influence escomptée : les mouvements de panique se sont raréfiés, puis ont disparu. Nous avons connu une petite crise de ce type chez Ethias : plusieurs personnes cédant à la panique ont voulu retirer leur épargne placée sur des comptes “First”, mais tout est rentré dans l’ordre à présent. En Belgique, je pense que le pire de la crise financière est derrière nous. Lorsque les gens retrouveront confiance dans leur avenir, ils recommenceront à consommer et relanceront ainsi la machine économique.
![]() Bernard Surlemont Le 15e jour du mois : Après la crise financière, la crise économique… Bernard Surlemont : L’énorme crise financière que nous venons de connaître a déjà un impact sur la vie économique aux Etats-Unis et en Europe. Les derniers indicateurs conjoncturels ne laissent plus beaucoup de doute : le monde industriel est entré en récession. Les principaux acteurs économiques – ménages et entreprises – sont très inquiets : la consommation se grippe, les investissements sont gelés. L’activité économique wallonne, comme les autres, devrait ralentir dans les prochains mois : l’Union wallonne des entreprises pense que la crise actuelle pèsera sur le dernier trimestre 2008 au point de ramener la croissance à 1,6% (contre 2,5% en 2007). Pour 2009, le PIB wallon devrait afficher un recul de 0,4%.
Nos entreprises connaissent d’ores et déjà des difficultés pour financer leurs projets. D’une part, parce que les banques – qui ont elles-mêmes du mal à trouver de l’argent – durcissent les conditions d’octrois de crédit et, d’autre part, parce que celui-ci est plus cher et le sera plus encore demain. Certains secteurs sont déjà touchés de plein fouet : la sidérurgie, la construction, le tourisme, l’immobilier et, plus vivement peut-être, l’automobile. Aux Etats-Unis, General Motors qui emploie plus de 250 000 personnes est au bord de la faillite ; au Japon, les grandes marques licencient ; en Europe, les constructeurs multiplient les suppressions de postes et les suspensions de production dans les usines. L’industrie du luxe n’est pas épargnée non plus. Et pour les créateurs d’entreprise, la situation n’est guère plus aisée dans la mesure où ils ont de facto plus de peine à trouver une banque pour les épauler.
Le 15e jour : Voyez-vous tout de même quelques raisons d’espérer ? B.S. : Comme dans toute crise, dans toute situation de déséquilibre, il y a certainement des opportunités que les entrepreneurs doivent et vont saisir afin de répondre aux préoccupations du moment. Après le coup de tonnerre du 11 septembre 2001, on a vu naître de nouveaux services et apparaître des produits inconnus. Ce sera certainement le cas aussi en 2008-2009, à l’image de Romain Zaleski, milliardaire français d’origine polonaise, qui vient de créer avec une équipe une nouvelle banque en Pologne (Alior Bank) avec l’argument choc qu’ils n’ont aucun actif douteux et qu’ils ont pour politique de ne pas investir dans des produits financiers trop “exotiques”. Autre chose : notre monnaie s’étant un peu “repliée”, cela dopera nos exportations car les prix libellés en euros seront moins chers à l’extérieur des frontières de l’Union. Par ailleurs, le prix du baril de pétrole diminue de façon significative… Fondamentalement, cette crise va engendrer, à mon avis, un changement majeur – grandement souhaitable – en matière d’éthique des affaires. On s’est aperçu (à nouveau) que la faillite d’une banque est possible ! La crise que nous venons de subir a clairement montré un déficit de contrôle des sphères financières, une erreur que la Commission européenne et la présidence française de l’Union ont décidé de corriger. Propos recueillis par Patricia Janssens
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