Janvier 2009 /180
Janvier 2009 /180

Leçons inaugurales

La cuvée 2009 marquera un tournant pour la faculté de Droit

Leçon inaugurale : espèce singulière de discours, qui réclame de l’orateur fraîchement élevé au rang de professeur, d’exposer  en toge  l’objet de ses recherches devant un parterre d’académiques, de magistrats, de notables et de curieux. Par fierté et par amour de la tradition, la faculté de Droit a, en 2004, renoué avec cette coutume qui entend saluer le début de carrière de ses jeunes pousses. La prochaine manifestation de ce genre, d’ores et déjà couronné de succès, aura lieu le 12 février prochain, sous l’égide du doyen Olivier Caprasse : « Qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit pas d’un exposé technique presque sibyllin, ni plus simplement de la première leçon du professeur à ses étudiants. Il s’agit d’une présentation à la communauté scientifique, par le biais d’une leçon accessible au grand public. »

Six orateurs pour une leçon
Cette troisième cuvée sera cependant dotée d’un cachet particulier : « J’entends bien qu’elle marque une sorte de tournant dans le cheminement de la Faculté qui vient d’accueillir 15 nouveaux académiques, poursuit-il. Dans le même temps, voici longtemps que je souhaitais que la Faculté toute entière soit célébrée. » Pour des raisons pratiques évidentes, seuls six académiques connaîtront leur première heure de gloire en 2009, leurs confrères étant invités à patienter jusqu’en 2010 et 2011. Tous sont issus des trois branches-phares de la Faculté,  – le droit, la science politique et la criminologie – et ont pour thématiques susceptibles, la rhétorique aidant, de captiver les foules. Même le droit constitutionnel fera montre de ses plus beaux atours en se penchant, en la personne du Pr Christian Berhendt, sur les relations liant l’Etat et la religion. « Un sujet qui intéresse tout le monde », lance Olivier Caprasse, tout sourire.

L’éclectisme sera donc au rendez-vous, en grande pompe. Une diversité des approches qui réjouit le Pr Michaël Dantinne, digne représentant de l’Ecole de criminologie Jean Constant, lequel planchera le 12 février prochain sur les connexions entre crime et médias au cours d’un exposé intitulé “Médiatiser ou média-attiser le crime ?”. Il analysera d’une part la manière dont les médias rendent compte du crime et les conséquences pouvant en résulter et, d’autre part, envisagera les effets que peuvent avoir les contenus médiatiques sur les citoyens. « Un sujet où l’on n’attend pas forcément le criminologue et qui, de surcroît, concerne un peu tout le monde puisque nous sommes tous des consommateurs plus ou moins avertis de contenus médiatiques. » Alléchant.

« Les médias d’information réservent une place de plus en plus grande aux contenus liés au crime, constate le criminologue. Les grandes affaires criminelles sont fortement médiatisées, et ce de manière décroissante : on parle énormément des faits, un peu moins du procès, encore moins de la peine et très peu de l’exécution de la peine. C’est déjà assez intéressant. Au-delà, les processus de médiatisation intriguent et le thème même de la délinquance – thème complexe par excellence – nécessiterait souvent un espace ou un temps que les médias n’ont pas pour traiter ce genre de question. » Mais le crime est aussi traité de manière massive par les fictions : la production de séries télévisées ou de littérature spécifique en témoignent à l’envi. « Les crimes extrêmes fascinent, reprend le professeur. Les crimes sexuels notamment, au même titre que l’enquête et ses procédés. Or ceci ne correspond pas à la réalité, ni en termes quantitatifs (la criminalité de sang est une des moins fréquentes), ni en termes qualitatifs (le profil de l’auteur et de la victime ne correspond pas à ce qui ressort des études scientifiques). Mais ces deux tendances génèrent l’apparition de stéréotypes au sein de la population, qui concernent aussi bien le crime (l’acte), le criminel (l’auteur) et la criminalité (le phénomène) que les agences chargées de lutter contre le crime. Ceci peut, par exemple, contribuer à engendrer une insécurité non fondée, voire un respect déclinant de l’activité de ces agences. »

Maléfiques ou bénéfiques ?
Doit-on alors parler d’un effet néfaste des médias ? « La question a le mérite de nous interroger sur les conséquences des émissions violentes dans la société, commente le Pr Dantinne. La consommation de films et de jeux vidéos, produirait-elle une délinquance ? Si, dans des cas fortement médiatisés, référence a pu être faite à des éléments de ce type, il n’en reste pas moins que la démonstration scientifique est sujette à caution. Les effets, lorsqu’ils ont pu être constatés, sont limités dans le temps. En outre, l’hypothèse inverse, celle des apports bénéfiques d’une possible exposition à des contenus pro-sociaux, n’a jamais ou quasi jamais été testée. Ces études restent cependant extrêmement difficiles à mener, du moins dans des conditions de rigueur adéquates. »

Après le succès des deux dernières éditions, gageons que cette nouvelle manifestation sera ceinte de lauriers une fois encore.

Patrick Camal

   Leçons inaugurales le 12 février, aux amphithéâtres de l’Europe, de 16 à 18h.
Ouvertes au grand public. Outre Michaël Dantinne, Quentin Michel (sciences politiques), Sébastien Brunet (sciences politiques), Ann-Lawrence Durviaux (droit public économique et droit de la fonction publique), Frédéric Georges (droit, garanties de paiement et recouvrement, droit bancaire) et Christian Behrendt (droit constitutionnel) interviendront lors de cette séance.
   
tél. 04.366.28.32, courriel A.Gosselin@ulg.ac.be
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