Janvier 2009 /180
Janvier 2009 /180

Yes he can

Le 20 janvier prochain, Barack Obama deviendra le 44e président des Etats-Unis et le premier président noir de l’histoire américaine.
Commentaires de Marco Martiniello, directeur du Cedem, et de Sebastian Santander, chargé de cours au département de sciences politiques.



MartinielloLe 15e jour du mois : Que pensez-vous de l’élection du nouveau président des Etats-Unis ?

Marco Martiniello : L’élection d’Obama a évidemment une portée très symbolique. L’arrivée d’un homme métisse sur la plus haute marche du pouvoir politique dans cette grande nation est un événement immense qui témoigne des profonds changements de la société américaine. La fracture raciale entre les Blancs et les Noirs constitutive des Etats-Unis s’estompe partiellement. Les Américains entrent dans une nouvelle ère caractérisée par une configuration raciale plus complexe. Attention ! Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de racisme outre-Atlantique. Mais le simple fait qu’Obama ait pu se présenter devant les électeurs à ce poste montre que beaucoup d’Américains ont finalement pris conscience d’une réalité : la couleur de la peau ne dit rien sur les compétences, en l’occurrence politiques, des êtres humains.

Bien sûr, il y a eu des précédents qui lui ont ouvert la voie. Sans en appeler à Martin Luther King, pensons au général Powell et à Condoleezza Rice qui se sont hissés, eux aussi, au sommet de la hiérarchie politique, tout comme le maire de Los Angeles Antonio Villaraigosa, d’origine mexicaine. Mais l’arrivée d’Obama à la Maison Blanche ouvre une nouvelle ère dans l’histoire américaine et marque une étape dans la façon de considérer les minorités, toutes les minorités, africaine, hispanique, asiatique et autres. C’est sûr, le moment est historique.

Le 15e jour : Est-ce une bonne nouvelle pour l’Europe ?

M.M. : L’élection de ce jeune président de 47 ans a suscité une vague d’enthousiasme qui a traversé tout le pays. Et pas seulement dans la population noire, mais également parmi la jeunesse blanche et multicolore qui revendique une autre lecture de la société. Pour elle, la société américaine est l’héritière d’un brassage de cultures hétérogènes et doit en être fière. Tiger Woods (le golfeur prodige) et la chanteuse Mariah Carey revendiquent publiquement leur mixité raciale. Obama a réussi à devenir le porte-parole à la fois de l’Amérique multiraciale émergente, de la population africaine-américaine qui se cherchait un nouveau leader de stature nationale et de la population blanche progressiste. Son grand mérite est certainement d’avoir cristallisé l’ensemble des intérêts de ces différentes populations.

A mon sens, l’élection de Barack Obama est une excellente nouvelle… pour le monde entier. Pour l’Afrique d’abord. L’élection – au Kenya principalement, où le président a encore de la famille – a suscité un immense espoir et redonné fierté à une population peu valorisée habituellement. Pour l’Europe aussi, moins frileuse sur le plan de la multiculturalité, mais non uniforme dans les réponses qu’elle donne aux immigrés. En France et en Belgique, Obama est très populaire aujourd’hui. Cet engouement traduit un espoir et une fierté retrouvés pour de nombreux jeunes issus de l’immigration qui se sentent très souvent exclus et discriminés en raison de leur couleur de peau ou de leur religion.


SantanderLe 15e jour du mois : Que pensez-vous de l’élection du nouveau président des Etats-Unis ?

Sebastian Santander : La nouvelle a été accueillie avec enthousiasme par toute la communauté internationale, en Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique latine. Pourquoi ? Parce que, manifestement, Barack Obama a affiché sa volonté de reprendre pied sur la scène internationale grâce à la diplomatie et à la négociation et apparaît dès lors comme un adepte du multilatéralisme. Le nouveau président veut redorer le blason des Etats-Unis dans les institutions internationales et résoudre les conflits grâce au dialogue… tout en restant ferme, n’en doutons pas ! Les Etats-Unis ont soif de reconnaissance et de respectabilité internationales, et Obama compte bien remettre des thèmes comme les droits de l’homme ou le respect de l’environnement au centre des préoccupations de l’exécutif. Il faut dire que la crédibilité des Etats-Unis a été gravement mise à mal ces dernières années. Une gigantesque enquête, menée par la BBC auprès de l’opinion publique dans plusieurs continents, avait montré que “l’administration Bush” était perçue comme la menace la plus importante pour la planète.

Obama symbolise à lui seul la rupture avec l’ancien système. L’arrivée d’un Noir à la présidence américaine est un fait sans précédent. Son programme est très éloigné de son rival malheureux, John Mc Cain, et ses discours témoignent d’une approche plus sociale des événements. Il est notamment conscient de la crise du système éducatif et hospitalier public du pays et entend porter ses efforts en faveur de la classe moyenne et pauvre américaine, largement oubliée lors des deux mandats précédents. Obama, on le sait, en appelle à une réforme du système de santé américain afin d’instaurer, au niveau fédéral, une “assurance santé universelle”.

Le 15e jour : Est-ce une bonne nouvelle pour l’Europe ?

S.S. : L’Europe est évidemment sensible à la volonté du nouveau président de reprendre les négociations pour résoudre les conflits. Par ailleurs, on sent bien que Barack Obama considère l’Europe comme une alliée traditionnelle et son passage à Berlin lors de la campagne électorale a manifesté son souci de restaurer un partenariat privilégié avec elle.

Mais ne soyons pas angéliques… Barack Obama sera le président d’un pays qui souhaite reconquérir la suprématie dans les relations internationales et, à cet égard, ne souhaite pas avoir un allié trop encombrant. L’histoire des relations internationales entre Américains et Européens montre – et le gouvernement américain précédent ne s’en est pas privé – que les Etats-Unis ont perpétuellement cherché à s’allier avec l’Europe tout en la maintenant dans un second rôle. L’attitude de l’administration Bush par rapport aux anciens pays de l’Est aujourd’hui intégrés dans l’Union ou son soutien à la candidature de la Turquie à l’Union européenne est révélatrice à cet égard. “Diviser pour régner” est une devise ancienne, toujours d’actualité…



Propos recueillis par Patricia Janssens
Facebook Twitter