Qui n’a jamais connu cette douloureuse expérience de voir son cher ordinateur familial, acheté à prix d’or il y a trois ans, paraître complètement ridicule à côté du nouveau portable ultraperformant du voisin ? La faute à la célèbre loi de Moore qui veut qu’un processeur double en puissance tous les 18 mois. Le monde scientifique n’est bien entendu pas épargné et doit donc faire face à un renouvellement constant de son matériel informatique. Première victime de cette course folle, les supercalculateurs.
A l’université de Liège, le superordinateur NIC2 est en service depuis plusieurs années déjà. Bien qu’il ait rendu de nombreux services à nos chercheurs, il n’échappe pas à la fameuse loi et se trouve à présent largement dépassé par les équipements actuels. Son successeur, logiquement baptisé NIC3, prendra donc la relève vers la fin du mois de février. « Le projet date de 2004 et a été mis sur pied en partenariat avec le FNRS. Le but était de d’augmenter considérablement les capacités de calcul de la nouvelle machine », explique le Pr Jean-Marie Beckers, coordinateur du projet. Détail : l’investissement total avoisine les 360 000 euros.
NIC2 possédait 144 processeurs. NIC3 en comptera, lui, pas moins de 1300 et sera capable d’effectuer près de 13 Téraflops de calculs par seconde. Téra, pour les profanes, veut dire un millier de milliards (1012). Quant à flops – de l’anglais “floating point operations per second ”– on peut le traduire par “opérations avec plein de chiffres après la virgule, qui en plus se balade, par seconde”. A titre de comparaison, les ordinateurs classiques, équipés d’un seul processeur, ne réalisent “que” quelques milliards d’opérations à la seconde. Plus un superordinateur possède de processeurs, plus il est donc puissant. « L’une des particularités des superordinateurs est qu’ils sont en effet équipés de processeurs ordinaires, qu’on retrouve dans nos PC habituels, poursuit le professeur. Cependant, ils sont organisés en réseau et effectuent un certain nombre de tâches bien spécifiques, ce qui les rend beaucoup plus performants. » Aux Etats-Unis, le dernier né des superordis, Roadrunner, vient de passer la barre symbolique du pétaflops (un million de milliards d’opérations) grâce aux processeurs que l’on retrouve dans la PlayStation 3 de Sony ! Le monstre en contient pas moins de 130 000, pèse 270 tonnes et occupe 560 m2 de terrain, mais il est devenu le plus rapide à ce jour.
Si NIC3 est loin d’atteindre ces chiffres affolants (il n’occupe modestement que trois armoires), ses fonctionnalités sont les mêmes que le mastodonte américain. « Le principe reste semblable. De nombreuses applications nécessitent une grande puissance de calcul. Qu’il s’agisse de prévisions météorologiques, de modélisation moléculaire, de physique des matériaux ou encore de simulations physiques… Toutes ces opérations engagent des algorithmes et des protocoles très complexes qui ne peuvent pas être réalisés sur des ordinateurs ordinaires. » David Colignon a participé au développement de NIC3 et coordonne en tant que logisticien du FNRS un vaste projet interuniversitaire*.
Actuellement, une centaine de chercheurs peuvent utiliser simultanément la machine et ils pourraient être plus nombreux dans quelques mois. A court terme, il sera en effet possible pour un chercheur louvaniste de faire ses calculs à Liège, sans bouger de son bureau. « L’idée est de développer un réseau d’interconnexions entre les différentes machines des universités francophones. De cette manière, on augmente les capacités de calculs et on maximise le taux d’utilisation. » Pour faire face aux coûts élevés d’acquisition et de fonctionnement que demandent de telles machines, les universités francophone ont donc unis leurs forces, de quoi mettre sur pied un réseau suffisamment performant susceptible de permettre à tous les chercheurs de profiter d’un matériel à la pointe de la technologie.
François Colmant
* Il s’agit du projet “Consortium des équipements de calcul intensif” (Ceci) : site http://hpc.montefiore.ulg.ac.be