Dimanche 22 février, chaque Liégeois de plus de 16 ans sera appelé aux urnes pour répondre à la question : “Voulez-vous que la ville de Liège pose sa candidature au titre de capitale européenne de la culture en 2015 ?”.
Regards croisés du Pr Bernadette Mérenne, de la faculté des Sciences, et de Pierre Frankignoulle, maître de conférences au Centre d’histoire des sciences et des techniques.
Le 15e jour du mois : En 2015, après Anvers (1993), Bruxelles (2000) et Bruges (2002), une ville belge sera nommée capitale européenne de la culture. Que pensez-vous de la candidature de Liège ?
Bernadette Mérenne : La culture est devenue depuis quelques années maintenant un élément essentiel du devenir urbain. Plusieurs villes en Europe ont bien perçu cet enjeu et ont fait des efforts considérables pour se hisser au rang de “ville culturelle”. Je pense principalement à Glasgow et à Bilbao. Que font-elles ? Elles accumulent les événements à caractère culturel pour se créer une image positive. C’est aussi – dans un autre domaine – ce que font les villes candidates aux Jeux olympiques notamment.
Ce qui est intéressant, me semble-t-il, c’est d’avoir une échéance. Déposer sa candidature à “Liège 2015” a l’avantage de constituer un objectif à atteindre, celui de présenter la culture à Liège, dans sa diversité historique et artistique. C’est aussi l’occasion de s’interroger sur la culture dans la ville et dans la région, sur la place que nous lui accordons (ou pas). Quelle culture voulons-nous ? Lille, capitale européenne de la culture en 2004, avait remarquablement réussi à conjuguer la culture populaire et la culture élitiste, mais cette distinction a-t-elle un sens chez nous ? Avoir l’ambition d’être “capitale européenne”, c’est mettre autour de la table des artistes, des hommes politiques, des citoyens ; c’est organiser des tables rondes afin d’aborder des problématiques de fond.
Prétendre devenir, pendant un an, capitale européenne de la culture, c’est bien sûr l’occasion de s’interroger sur la ville qui accueillera l’événement. Quelle ville voulons-nous montrer aux étrangers ? L’enjeu est de taille à faire avancer les chantiers en cours… et ceux en préparation ! En 2015, la rénovation de l’Opéra sera terminée, la Cité des médias construite, la gare de Calatrava installée, mais qu’en sera-t-il de la place devant la gare et de la liaison de ce quartier avec la Cité des médias ? Sans parler des travaux relatifs au tracé du tram. A l’évidence, l’objectif “2015” est selon moi propice à établir un état des lieux et à élaborer des projets culturels pour la cité, gage d’une image valorisante et attractive tant en termes touristiques qu’économiques, rappelons-le.
Le 15e jour : Liège 2015, l’affaire de tous ?
B.M. : Bien sûr ! Les 20 000 signatures récoltées en faveur de l’organisation du référendum prouvent à l’envi que les Liégeois se sentent concernés par cette candidature. Sans doute sont-ils conscients des retombées positives : le label européen – outre une reconnaissance internationale – apportera rapidement une manne financière qui profitera à l’ensemble des habitants. En 1993, Anvers, alors détentrice du titre, avait misé sur la rénovation du quartier du port dont tout le monde se félicite aujourd’hui. Souvenez-vous des travaux sur le boulevard d’Avroy : ils ont eu lieu avant le départ du Tour de France. Je veux dire que ces opérations de prestige profitent ensuite à l’ensemble des citadins : amélioration du cadre de vie, sentiment de fierté des citoyens, image positive aux yeux des autochtones et des étrangers, regain d’intérêt de la part de visiteurs, etc. Tout cela est bon pour le tourisme, source d’emplois…

Le 15e jour du mois : En 2015, après Anvers (1993), Bruxelles (2000) et Bruges (2002), une ville belge sera nommée capitale européenne de la culture. Que pensez-vous de la candidature de Liège ?
Pierre Frankignoulle : Indéniablement, la ville qui obtient le titre de “capitale de la culture” devient, pendant un an, le point de mire, sinon de toute l’Europe, du moins de ses voisins immédiats. Et dans la mesure où Liège est située dans un triangle d’or, ce label attirera de très nombreux touristes dont le pouvoir d’achat est appréciable. Je pense par ailleurs que la ville de Liège, riche d’un passé prestigieux et dotée d’un patrimoine varié, aurait, là, l’occasion de le mettre en valeur. Quand on sait que 15 millions de touristes visitent Maastricht chaque année, on se dit que Liège doit mieux se vendre…
Un gros effort a été réalisé, c’est indéniable. La restauration de la salle philarmonique et celle de l’église Saint-Barthélemy, la transformation du Musée de la vie wallonne, l’inauguration toute proche de la gare de Calatrava et du Musée Curtius, le début des chantiers de l’Opéra et du Théâtre… Tout cela plaide pour le dossier liégeois. Les grandes institutions culturelles seront prêtes à relever le défi, ce qui signifie que le soutien financier apporté par l’Europe serait véritablement affecté aux projets culturels et non aux équipements.
La candidature de Liège pourrait aussi favoriser une émulation culturelle plus large et une mise en valeur du secteur moins formel de la culture. Je pense aux galeries d’art ou aux initiatives comme l’An vert ou Le Hangar et bien d’autres. Je crois également qu’une valorisation du patrimoine architectural et de l’histoire urbaine s’impose dans ce cadre : pourquoi ne pas mettre en place des “parcours historiques” pour faire découvrir la ville ? Cela pourrait être une thématique à retenir pour le dossier de candidature de Liège, si candidature il y a. A moins que l’on ose une grande manifestation d’art contemporain…
Le 15e jour : Liège 2015, l’affaire de tous ?
P.F. : C’est certain ! Dans la mesure où la mobilisation citoyenne fait partie des critères décisifs pour l’attribution du titre, je crois que les Liégeois ont marqué un point. Le Conseil communal s’engage à présent dans le projet, mais n’oublions pas que ce sont plus de 22 000 signatures qui sont à la base de l’organisation du référendum du 22 février. Cela pourrait même devenir le fil conducteur de la candidature. Encore faut-il que le projet soit original, attractif et cohérent. Je sais que l’échevin de la Culture Jean-Pierre Hupkens a mis en place une commission de la culture élargie aux acteurs culturels pour élaborer le “projet Liège 2015”. Mais, ne nous leurrons pas, Mons a une longueur d’avance… Quel que soit le résultat cependant, le travail qui sera réalisé dans cet objectif n’aura pas été vain.
Propos recueillis par Patricia Janssens