Mars 2009 /182
Mars 2009 /182

Les mots pour le dire

Les concepts politiques de la Renaissance 

 

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Fresque d'Ambrogio Lorenzetti, Effetti del buon governo, Siena, Sala del Consiglio dei Nove


 

"Les concepts politiques d’aujourd’hui tels que celui de citoyenneté trouvent leurs racines à l’époque de la Renaissance italienne, s’enthousiasme Paola Moreno, chargée de cours en langues et littératures italiennes. C’est à ce moment précis de l’histoire, en effet, que se produisent d’importants glissements sémantiques. Jusqu’alors, les domaines politiques et juridiques étaient dominés par le latin; entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe, les langues romanes se sont peu à peu imposées dans ces matières. »

 

Des mots anciens ont dû alors couvrir des réalités linguistiques et politiques nouvelles ; ils se sont ancrés ainsi dans la réalité et dans l’action. Lors des siècles suivants, les représentations italiennes se sont répandues un peu partout en Europe et ont contribué à la formation d’un lexique européen de la politique. 

 

L’analyse du discours politique de la Renaissance apporte donc une meilleure compréhension du sens de ces concepts utilisés aujourd’hui. C’est là tout l’intérêt du prochain colloque dont Paola Moreno est à l’initiative, avec la collaboration étroite de l’ENS-LSH de Lyon. L’idée de cette rencontre internationale a germé à la suite de la publication des textes de l’un des maîtres à penser de cette prodigieuse période italienne. « Francesco Guicciardini était un homme d’action, mais il était également un grand penseur, souligne-t-elle. Cela lui a permis de faire adhérer l’action à la parole politique. La correspondance que cet homme entretenait avec les hauts personnages de l’époque est une mine à ciel ouvert d’exemples de ces concepts reliés à la réalité. Son apport est comparable à celui de Machiavel ! » 

 

Les conférenciers choisiront chacun un mot-clé du vocabulaire politique de cette époque. Ils en illustreront le sens à partir de recueils variés et tenteront de jeter les ponts avec les concepts politiques contemporains. Un exemple de terme choisi : discretione (“discrétion” en italien) qui n’est pas du tout à prendre dans le sens commun que nous lui donnons. Le terme vient en fait de “discretinonem” , à son tour formé du verbe latin “discernere”, qui signifie “distinguer”, pratiquer le discernement pour formuler une solution adéquate à la réalité. En somme la capacité de différencier pour agir de manière adaptée. Un bien bel outil pour la démocratie. 

 

« Il est plus qu’important, pour analyser le pouvoir, d’en comprendre les mécanismes, mais particulièrement d’en saisir les représentations. Or celles-ci se construisent dans les mots. » Édouard Delruelle, philosophe, professeur en philosophie morale et politique à l’ULg, s’est vu confier la tâche d’introduire les conférences. Sa fonction de directeur francophone adjoint du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme lui concède un “regard en marge” sur le colloque. En effet, il en incarne spécifiquement le sujet : il réalise un mandat d’action sur des thèmes politiques. Et de conclure : « Aucun mot n’est innocent en politique, encore moins ceux qui servent à désigner le pouvoir lui-même. » 

 

Géraldine Michat 

 

Colloque international “Catégories et mots de la politique à la Renaissance italienne” 

Les 30 et 31 mars, à 9h, à la salle de l’horloge, place du 20-Août 7, 4000 Liège. 

Contacts : tél. 04.366.54.96, courriel pmoreno@ulg.ac.be, site www.ulg.ac.be/facphl/  

 
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