Mai 2009 /184
Mai 2009 /184

Migrations

Discrète population latino-américaine 

Certains chiffres interpellent. En 2000, la population immigrée d’origine latino-américaine en Europe était évaluée à près d’un million d’individus. En 2006, ils étaient 2 500 000. Une situation qui peut surprendre de prime abord car, traditionnellement, ces flux migratoires se dirigent plutôt vers les Etats-Unis. 

Pour Jean-Michel Lafleur, chargé de recherches FNRS au Centre d’études de l’ethnicité et des migrations (Cedem), la réorientation de ce mouvement migratoire peut s’expliquer par les événements du 11 septembre 2001, lesquels ont eu pour conséquence de durcir les conditions d’accueil aux Etats-Unis. A quoi il convient d’ajouter la dégradation de certaines économies latino-américaines et l’attractivité du sud de l’Europe pour des raisons légales, économiques ou d’affinités culturelles. L’Espagne, notamment, longtemps en proie à un déficit important de main-d’œuvre dans le bâtiment et l’agriculture, a fait massivement appel aux étrangers : sa population étrangère est ainsi passée d’environ 500 000 individus en 1995 à 2 millions en 2004. 

 

Bolivie« Ce sont principalement des femmes qui viennent en Europe, expose le chercheur. Elles trouvent un travail de garde-malade, d’aide aux personnes âgées ou de nounou pour lesquels elles bénéficient d’une excellente réputation ici. Elles s’insèrent discrètement dans l’économie européenne. » C’est le cas à Florence où vit une importante communauté originaire – principalement – du Pérou, de l’Equateur et de Bolivie. « Cette population contribue largement à l’économie du pays d’origine, reprend Jean-Michel Lafleur, en poste pour l’instant à l’Institut universitaire européen de Florence. L’objectif premier de l’exil est en effet de venir en aide à la famille en proie à des difficultés économiques majeures. » En Bolivie, les envois de fonds de migrants ont dépassé le milliard de dollars en 2008, soit 10% du PIB ou 1/3 des revenus générés par les exportations gazières du pays ! 

Quelles relations politiques ces immigrés entretiennent-ils avec leur pays d’origine ? Participent-ils aux élections ? Quelle influence politique ont-ils ? « L’Equateur et le Pérou autorisent leurs ressortissants expatriés à voter lors des élections nationales, continue Jean-Michel Lafleur. Pas la Bolivie. Mais la question se pose en ce moment même : la communauté bolivienne à l’étranger réclame ce droit depuis plusieurs années. » Sans succès jusqu’à présent. Les Equatoriens et Péruviens participent-ils en nombre aux élections ? « Pas vraiment, répond Jean-Michel Lafleur. Hormis dans le cas où de très grandes facilités sont accordées, comme en Italie, on observe un très faible taux de participation aux élections. Mais l’impact de cette participation doit aussi être observé d’un point de vue symbolique. En votant à distance, les migrants veulent signaler qu’ils ne sont pas uniquement une source de devises mais qu’ils veulent, en outre, rester des citoyens actifs dans leur patrie. » 

Pourquoi les Etats latino-américains autorisent-ils le vote à distance des émigrés partis sous d’autres cieux ? Quel est son impact sur les processus d’intégration des migrants en Europe ? C’est notamment à ces questions que sera consacré le séminaire organisé par l’unité “transnationalisme et migration” du Cedem les 11 et 12 juin prochains. 

Patricia Janssens

Photo: JM Lafleur

 

 

   La migration latino-américaine en Europe  

Séminaire les 11 et 12 juin, salle de l’Horloge, place du 20-Août 7, 4000 Liège.  

Contacts : inscriptions par tél. 04.366.46.80, courriel JM.Lafleur@ulg.ac.be , site www.cedem.ulg.ac.be   

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