Mai 2009 /184
Mai 2009 /184

La France et l’Otan

Retour à la normalisation 

 

Alors que l’on célèbre le 60e anniversaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), la France réintègre le commandement militaire de l’organisation. Pour André Dumoulin, chercheur attaché à l’Ecole royale militaire et enseignant à l’ULg, cette normalisation n’est pas vraiment une révolution. Il a consacré à cette question une étude publiée dans le Courrier du Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp)*. 

 

Le 15e jour du mois : Ce retour à l’Otan n’est pas, selon vous, un véritable changement mais plutôt le résultat d’un long processus… 

 

André Dumoulin : Effectivement. Depuis son départ tonitruant en 1966 sur une décision du général de Gaulle (motivée par un souci d’indépendance et de pleine autonomie de son programme nucléaire naissant), la France a entamé un processus de rapprochement dès le début des années 1980, sous François Mitterrand. Il fut ensuite confirmé sous les présidents Chirac et Sarkozy. Paris a même tenté de s’approprier le commandement régional sud de l’Otan. Sans succès cependant. Mais la France ne s’est jamais complètement éloignée de l’Alliance atlantique : si elle s’était retirée du commandement militaire intégré durant la guerre froide, elle restait néanmoins membre du traité de l’Atlantique Nord et participait aux réunions du Conseil. Elle a en outre rarement hésité à envoyer des troupes sur les terrains d’opérations considérés comme stratégiques pour Washington. Parallèlement, Paris a pris des initiatives pragmatiques sur des dossiers opérationnels, techniques et militaires durant la présidence du Conseil de l’Union européenne (UE) au second semestre 2008. 

 

Le 15e jour : Dans quelle mesure cette normalisation entraînera-t-elle des effets sur la politique européenne de sécurité et de défense (Pesd) ?

 

A.D. : Personnellement, je crois que, par le jeu des vases communicants et des contraintes budgétaires, l’entrisme français va clarifier autant que faire se peut la stratégie de l’Otan et donner tout bénéfice à la Pesd au vu de la complémentarité “apaisée” entre les organisations. La clef, cependant, réside toujours dans la façon dont les Américains et les Britanniques vont un jour donner leur blanc-seing à la mise en place d’un quartier général européen. 

 

Le 15e jour : Le retour de la France au sein du commandement militaire intégré va-t-il déboucher, selon vous, sur une version modernisée du concept stratégique de l’Otan ? 

 

A.D. : De nouvelles visions pour l’avenir sont apparues lors du dernier sommet de l’Otan de Strasbourg-Kehl au début du mois d’avril, à l’occasion du 60e anniversaire de sa création. Il y a, du côté américain, quelques indications allant dans le sens d’une plus grande tolérance, voire d’un soutien direct à la Pesd, toujours évidemment dans le cadre d’une complémentarité bien réfléchie (21 Etats sur 28 membres de l’Otan sont aussi membres de l’Union européenne). Mais il y aura nécessairement des discussions qui porteront notamment sur le partage des tâches. Se dirige-t-on à terme vers une américanisation de la sécurité européenne ? Ou va-t-on assister sur le long terme à une maturation de l’Union européenne dans le champ de la défense territoriale, l’UE et l’Otan se concertant pour les missions de gestion de crise “hors zone” ? Dans tous les cas, même si la France est en voie de normalisation avec l’Alliance atlantique, elle refusera toujours d’être figée dans une posture. Au final, la Pesd ne se superpose pas à l’Otan mais joue dans une complémentarité où chaque capitale décide au cas par cas de ses engagements et de l’emblème associé. 

 

Propos recueillis par Frédéric Moser

 

André Dumoulin, “La France et l’Otan : vers la normalisation ?”, dans Courrier du Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp), n° 2005, 2008. 

Voir l’interview complète sur le site www.reflexions.ulg.ac.be  (rubrique Décryptage).

  
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