Connaissez-vous la bilharziose ? Après le paludisme, c’est la maladie parasitaire la plus grave sévissant dans les pays de l’hémisphère sud. 800 millions de personnes y sont exposées régulièrement et près de 300 000 individus, surtout des enfants, en meurent chaque année. C’est dire avec quelle impatience les pays en voie de développement et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) attendent un remède efficace.

Les essais cliniques ont débuté au Sénégal
Dès la fin des années 1980, le Pr André Capron, de l’Institut Pasteur de Lille, s’impliqua contre ce parasite dévastateur et mena avec son équipe une recherche originale. « Son objectif fut non pas d’éradiquer le parasite, mais de limiter la ponte des œufs par les femelles, explique le Pr Joseph Martial, président d’Eurogentec, une des premières spin-offs de l’ULg située au LIEGE Science Park. Car ce sont les œufs qui induisent la pathologie. » 20 ans plus tard, les résultats sont tangibles : une protéine du parasite capable d’induire chez l’homme une réponse immunitaire interférant avec le développement parasitaire a été identifiée (il s’agit de la glutathion S-transferase) et la mise au point d’un vaccin – le Bilhvax – est en bonne voie.
Depuis 1995, les scientifiques de Lille et d’Eurogentec – soutenus principalement par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale français (Inserm) – conjuguent en effet leurs compétences afin de définir les méthodes de production de la protéine parasitaire à l’aide du génie génétique, et ce en vue de procéder aux premières études cliniques. Premier vaccin anti-parasitaire, le Bilhvax appartient en outre à une nouvelle variété de médicaments, les vaccins thérapeutiques qui peuvent être administrés tant à des personnes saines pour prévenir l’infection qu’à des personnes déjà infectées et malades pour prévenir l’apparition des symptômes pathologiques. Dans ce dernier cas, « le Bilhvax n’élimine pas l’agent infectieux mais empêche les manifestations pathologiques », explique Gilles Riveau de l’Inserm.
Eurogentec a produit les protéines utiles, a amélioré leurs techniques de fabrication et a préparé le passage de la production à l’échelle industrielle. « Nous fabriquons aujourd’hui les produits nécessaires à la phase III des essais cliniques, poursuit le Pr Martial, des essais sur l’homme, en l’occurrence sur 250 enfants. » Un processus actuellement en cours dans la vallée du fleuve Sénégal. Si les résultats sont concluants, Bilhvax sera sur le marché dans trois ou quatre ans.
Au-delà de la prouesse scientifique, il s’agit d’une avancée majeure dans le domaine de la santé publique des populations défavorisées. Destiné aux pays en voie de développement principalement, le Bilhvax est classé dans la catégorie des “vaccins orphelins”, ceux dont les frais de développement ne seront sans doute pas couverts par les ventes du produit. Les pouvoirs publics ne s’y sont pas trompés : l’Union européenne, la Région Nord-Pas-de-Calais et la Région wallonne ainsi que la Communauté française apportent une aide financière au projet, tout comme l’Inserm qui coordonne toutes les études cliniques. Il est probable que l’OMS et l’Unesco prendront en charge sa diffusion. Eurogentec est fière de participer à cette recherche ambitieuse.
Pa.J.