
Gagner la coupe du monde de blocs, telle est l'ambition de Magali Hayen
Patente est la différence entre faire le kakou dans les arbres et s’ankyloser les doigts sur les murs artificiels pour décrocher des médailles. Pourtant, c’est après avoir fait le tour des branches d’arbres et autres murets de Beaufays que Magali Hayen a contracté le virus de la varappe, à 9 ans. « Un jour, en me promenant avec mes parents dans le domaine du Sart-Tilman, j’ai découvert la structure d’escalade en béton des centres sportifs », se souvient cette étudiante de 1er bachelier en sciences de la motricité.
Dix ans plus tard, c’est sur ce même campus qu’elle fait ses premiers pas d’étudiante universitaire en obtenant d’emblée le statut de sportive de haut niveau octroyé par l’ULg. « Cela me permet notamment de fractionner mon année en deux ans, d’assurer plus d’entraînements et de rendre mes horaires compatibles avec un programme de compétitions, se réjouit-elle. Je peux également déplacer un examen ou être excusée si je ne peux assister à un cours obligatoire, en cas de déplacement à l’étranger par exemple. » Ce qui ne signifie pas être complètement à la coule : « Certains étudiants sont jaloux parce que je manque les cours. Mais c’est stressant la compétition ! Il ne s’agit pas de vacances et ça demande de l’organisation », rappelle cette championne de l’imbroglio vertical, compétitrice depuis l’âge de 14 ans.
Avec quatre entraînements par semaine dans une salle d’escalade liégeoise et des compétitions presque tous les week-ends, l’actuelle vice-championne d’escalade en voies ne chôme guère. Pas franchement efflanquée, elle a choisi de se spécialiser dans l’escalade de blocs : une catégorie particulière d’escalade sportive caractérisée par des séquences de mouvements d’intensité plus forte et concentrées sur de plus faibles hauteurs. « Cela me convient mieux, parce que je suis puissante et dynamique », souligne celle qui marche dans le sillon creusé par Muriel Sarkany, la Belge cinq fois vainqueur de la coupe du monde. Car cet élément de la faculté de Médecine, à l’âme bretteuse, livre sans ambages des objectifs ambitieux : gagner la coupe du monde de blocs.
Et jusqu’à présent, son tempérament fait florès puisqu’elle affiche six victoires sur les seuls mois de janvier et février : de Aachen à Düsseldorf, en passant par Reims et Amsterdam. Une bonne mise en bras pour aborder sa première coupe du monde… en plein mois de juin : « Je rentrerai des Etats-Unis le 9, et j’aurai examen le 10 et le 11. Avant de repartir le soir même pour une seconde manche à Eindhoven et de rentrer pour une seconde salve d’examens le 17 et le 19 », soupire-t-elle.
Si d’aucuns auront compris que notre sémillant lézard a intérêt à utiliser ses doigts collants pour tourner les pages de ses cours bien à l’avance, il reste à se demander comment Magali finance ses voyages. « Puisque, à 19 ans, je ne fais plus partie de l’équipe junior qui bénéficie d’une plus grande aide financière de la fédération, je dois financer mes voyages toute seule. Mes parents m’offrent les frais d’inscription et je revends les lots que je remporte aux autres compétitions, en affichant des annonces. Parfois même via Facebook », explique l’impécunieuse grimpeuse. Car à part un sponsor qui lui offre ses paires de chaussons, Magali manque cruellement de soutiens financiers. Pas au point d’escalader nue les buildings de Liège, à l’instar du perchiste français Romain Mesnil qui, en manque de sponsors, avait couru dévêtu dans les rues de Paris pour tenter de dynamiser les partenariats sportifs entre entreprises et particuliers. Mais, en escalade, tout ne tient qu’à un fil.
Fabrice Terlonge