Mai 2009 /184

Europe

Les élections du Parlement européen auront lieu en Belgique le 7 juin prochain. 

L’occasion de prendre la température avec Quentin Michel, chargé de cours au département de sciences politiques, et avec Lionel Artige, chargé de cours à HEC-ULg. 

MichelQuentinULg
Quentin Michel

Le 15e jour du mois : Quand on vous dit “élections européennes”, à quoi pensez-vous ? 

 

Quentin Michel : Ma première réaction concerne une enquête menée à l’échelon européen sur les intentions de participation à ce scrutin. En moyenne 44% des citoyens européens disent qu’ils iront voter. Ce n’est guère brillant ! Pour mémoire, le taux de participation était de 63% en 1979 lors des premières élections européennes, mais les suffrages se sont raréfiés ensuite. En 2004, 45,6% de la population seulement ont mis un bulletin dans l’urne. Cela traduit-t-il un désintérêt pour l’Europe ? Je serais tenté de dire qu’il s’agit plutôt d’une indifférence pour la chose politique, car la participation aux élections nationales n’est guère plus importante, du moins dans les pays où le vote n’est pas obligatoire. L’enquête montre par ailleurs que le désengagement concerne principalement les plus jeunes : l’abstention atteint des niveaux records pour la tranche des “15 -24 ans”– le monde étudiant en somme –, ce qui ne manque pas d’interpeller. De la même manière, les réponses à la question “Savez-vous quand auront lieu les prochaines élections européennes ?” sont consternantes. Si 64% de la population maltaise répondent positivement, seuls 10% des Anglais sont au courant. En moyenne, un Européen sur trois, seulement sait que les élections auront lieu cette année. C’est préoccupant : on a un peu l’impression que le Parlement européen “vit tout seul”. 

 

Pourtant, davantage de pouvoirs lui ont été accordés au fil des ans. Le Parlement est doté d’un réel pouvoir de décision et agit de concert avec le Conseil des ministres. Par ailleurs, la Commission est contrôlée par le Parlement. Où est le “déficit de démocratie” si souvent invoqué, hormis dans le manque de mobilisation citoyenne ? 

 

Le 15e jour : A votre avis, quels sont les enjeux de la prochaine législature ? 

 

Q.M. : Le futur institutionnel d’abord. Il repose pour une part sur l’adoption du traité de Lisbonne. C’est chose faite dans tous les Etats membres, sauf en Irlande qui l’a rejeté lors du référendum de juin 2008. Un nouveau référendum doit y être organisé avant la fin de l’année, mais l’issue paraît incertaine. Les dossiers économiques ensuite (l’emploi, le pouvoir d’achat, etc.), mais aussi l’énergie, l’immigration, la lutte contre le terrorisme. 

 

Les enjeux ne manquent pas et les décisions seront importantes pour tous : n’oublions pas que 60 à 80% de notre législation nationale émane de la législation européenne ! D’où l’intérêt des élections. Sans doute faut-il rappeler une fois encore que l’Europe a apporté la paix sur notre continent et l’autosuffisance alimentaire. Deux acquis majeurs que le monde entier nous envie. Malgré ses faiblesses voire ses lacunes, l’Europe est certainement le continent sur lequel on vit le mieux, globalement. Une belle conquête à défendre, non ?

 

Lionel artige
Lionel Artige
   Le 15e jour du mois : Quand on vous dit “élections européennes”, à quoi pensez-vous ?   Lionel Artige : Je me pose la question de savoir si le Parlement européen peut avoir une influence sur la crise économique actuelle ! Il n’a aucune influence sur la politique monétaire puisque la Banque centrale européenne (BCE) est indépendante et du Parlement et du Conseil européens. Ce qui est une bonne chose d’ailleurs car, aux yeux du marché, une banque centrale indépendante garantit la stabilité monétaire en s’affranchissant des humeurs politiques fluctuantes. Néanmoins, dans la crise systémique que nous vivons, la BCE ne peut assurer seule la viabilité du système bancaire. C’est pourquoi l’intervention des Etats s’est révélée nécessaire. Mais l’Europe n’est pas intervenue, car il n’y a pas de budget pour cela. Le Parlement européen n’a donc pas non plus d’influence sur la politique budgétaire. 

 

Pourtant, c’est bien un acquis européen dont la crise que nous traversons vient de révéler toute la pertinence. L’euro a en effet joué un rôle protecteur face aux soubresauts des marchés financiers. Sans l’euro, il est vraisemblable que les monnaies grecque, irlandaise, portugaise, etc.,  auraient dévissé, aggravant le coût de la crise pour ces pays et la concurrence monétaire avec les autres pays européens. Bref, l’euro a permis d’éviter le scénario de la crise des années 30. 

 

Le 15e jour : A votre avis, quels sont les enjeux de la prochaine législature ? 

 

Lionel Artige : La mise en place d’une législation bancaire européenne me paraît constituer le chantier primordial à court terme. Mais, plus globalement, je pense qu’il faut instaurer une meilleure coopération économique au sein de la zone euro et, idéalement, un budget européen conséquent ainsi qu’un marché unique de la dette publique dans la zone euro. 

 

Que constate-t-on en effet ? Les Etats ont secouru les banques (et ainsi les citoyens et les entreprises) en s’endettant lourdement. Chaque Etat doit à présent financer sa dette publique en émettant des obligations dont le taux d’intérêt est fonction de sa solvabilité. Si l’Allemagne bénéficie d’un taux faible, d’autres pays remboursent leur dette au prix fort. Pourquoi ne pas imaginer un marché unique de la dette ? Les obligations seraient émises à un taux unique sans doute proche de celui de la dette publique allemande. Le Parlement européen pourrait se saisir de cette question. Même si l’Allemagne n’est guère favorable à cette idée, il est temps, selon moi, de manifester de la solidarité entre partenaires. 

 

Une solidarité au nom de laquelle les Etats en difficulté pourraient recevoir une aide de l’Europe (plutôt que du FMI) et en échange de laquelle les Etats respecteraient certaines règles. Quand la France aide Peugeot et Renault, elle contrevient au principe de la libre concurrence : quid pour Opel, Fiat ou Saab ? La décision devrait se prendre au niveau européen et non pas à l’échelon national. Et dans la même optique, une meilleure coordination budgétaire serait souhaitable. Si nous avions constitué une réserve “au cas où”, nous aurions donné un signal politique fort au marché en montrant que l’Europe est solide et unie, même face à une crise majeure. 

 

Propos recueillis par Patricia Janssens

  
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