
Le 27 mai dernier, Frank De Winne s’est envolé dans le vaisseau Soyouz TMA-15 pour rejoindre l’International Space Station (ISS) en compagnie du Russe Roman Romanenko et du Canadien Robert Thirsk : Mission Oasiss*. Durant ce séjour de six mois dans l’espace, l’astronaute belge testera notamment une expérience liégeoise : faire mousser, à bord du module Columbus, cinq plaquettes, chacune contenant une douzaine d’échantillons liquides. Cette expérience, baptisée Foam Stability, est à la fois scientifique et éducative. Conçue et préparée à l’ULg par l’équipe des Prs Nicolas Vandewalle et Hervé Caps au sein du laboratoire de recherche fondamentale du département de physique, le GRASP (Group for Research & Applications in Statistical Physics), elle a pour but d’observer le comportement des bulles dans les mousses qui doivent, par l’agitation de liquides, se produire en état d’apesanteur.

L’environnement de la microgravité, qu’il est possible d’obtenir lors de vols paraboliques – en périodes très brèves – et à bord de vaisseaux spatiaux, permet une approche originale des énergies interfaciales qui entrent en jeu dans la technologie émergente de la microfluidique. L’exploitation de ces énergies “nanoscopiques” va devenir essentielle en micro-électronique : les puces de demain utiliseront de plus en plus des microfluides contenant du matériel génétique ou chimique. Grâce à la présence de Frank De Winne dans l’ISS, des conditions d’apesanteur en permanence se trouvent mis à disposition du GRASP, durant six mois, pour observer l’éclosion et suivre l’évolution de bulles dans des mousses. Tel est le sens de l’expérience Foam Stability qu’il a fallu réaliser en un temps record (l’expérience devait initialement partir avec Frank De Winne). Un réel pari pour l’entreprise Verhaert Space de Kruibeke (près d’Anvers), qui a dû fabriquer et tester les plaquettes sur lesquelles sont fixés les tubes à agiter. Il a fallu tenir compte des contraintes extrêmement rigoureuses qui sont imposées au matériel destiné à un vaisseau spatial habité.
Foam Stability s’envolera finalement avec le vaisseau Soyouz TMA-16, lequel partira le 30 septembre pour rejoindre la station avec trois membres d’équipage. C’est un ensemble formé de cinq plaquettes dont la masse totale n’excède pas le kilogramme. Sur chaque plaquette, pouvant être aisément manipulée, sont disposées deux rangées de six tubes transparents et scellés. Chacun contient de l’azote et 5 ml de liquide avec des surfactants chimiques ou une composition de protéines. Une bille en céramique de 11 mm de diamètre est placée à l’intérieur. Hervé Caps, qui a veillé à la mise au point et aux préparatifs, explique que la présence de cette bille permet de produire – par agitation – de la mousse et des bulles en apesanteur. Frank De Winne prévoit de consacrer cinq heures de son très long vol à la manipulation des cinq plaquettes à bord du laboratoire européen Columbus. Des prises de vues seront enregistrées pendant une demi-heure après chaque manipulation.

Cette expérience de mousses dans l’espace, sur une soixantaine de spécimens, constitue une “première”. Les chercheurs s’attendent à des résultats assez curieux. Lors de tests durant des vols paraboliques, le GRASP a constaté que des liquides qui ne moussent pas en état de pesanteur provoquent une mousse stable en microgravité. C’est notamment le cas de mélanges à base de protéines bien connues. L’objectif est d’approfondir cette découverte pour créer de nouveaux produits ayant d’autres propriétés. L’apparition ou l’absence de mousse dans certains mélanges constituera ainsi une information capitale pour la recherche.
Théo Pirard
Voir l’article détaillé sur le site http://reflexions.ulg.ac.be (rubrique Espace/Aerospatial).
* A partir d’octobre, Frank De Winne deviendra le commandant de bord de l’expédition 21 : il sera le premier Européen à avoir cette responsabilité dans la station.