Depuis mai dernier, Anne-Christine da Silva, chercheuse dans l'unité de pétrologie sédimentaire de l'ULg, coordonne un projet "International Geoscience Correlation Programme" (IGCP) de l'Unesco, intitulé "Application de la susceptibilité magnétique aux roches sédimentaires du paléozoïque". D'une durée de cinq ans, ce projet mobilise une centaine de chercheurs d'une trentaine de pays. Son but est de favoriser les échanges internationaux sur la technique de susceptibilité magnétique pour reconstruire l'évolution globale de l'environnement de notre planète au fil des millions d'années, mais aussi d'offrir une formation de pointe aux scientifiques de pays en voie de développement.
Congrès à Liège
S'inscrivant dans cette double visée, le premier congrès organisé dans le cadre de ce projet se tiendra à Liège du 2 au 6 décembre. Son programme s'articule en trois parties. La première rassemblera pendant deux jours au Maison de la métallurgie des chercheurs réputés qui viendront exposer leurs derniers résultats. Au cours d'une journée sur le terrain, la deuxième partie fera découvrir aux participants étrangers les roches sédimentaires belges sur différents sites de la région de Philippeville. Enfin, la troisième partie offrira, dans les locaux de l'ULg, une formation gratuite à la technique de susceptibilité magnétique et à ses applications paléo-environnementales. « Cette formation est destinée à tous et, en particulier, aux scientifiques provenant de pays défavorisés, précise Anne-Christine da Silva, coordinatrice du projet. Le financement offert par l'IGCP permet en effet la participation de chercheurs issus de Namibie, du Sénégal, d'Algérie, du Vietnam, etc. »
Les couches géologiques renferment en leur cœur l'histoire des environnements globaux qui se sont succédé sur notre planète au fil de millions d'années. Jusqu'il y a peu, seuls les fossiles permettaient leur datation. Cependant, la précision de celle-ci ne dépasse guère quelques millions d'années.
Depuis une décennie, les sédimentologues ont recours à une nouvelle technique, fondée sur une propriété physique des sédiments qui renseigne sur l'environnement global - et non local - de la Terre, avec une précision jusqu'à quelques dizaines de milliers d'années : la susceptibilité magnétique d'une roche est liée à la proportion de minéraux para-, ferri- ou dia-magnétiques et semble effectivement refléter les conditions environnementales globales de notre planète à l'époque du dépôt. Néanmoins, même si la technique fonctionne assez bien, l'origine du signal est loin d'être comprise dans toute sa complexité.
L'explication classique met en relation la susceptibilité magnétique et le niveau marin. Le signal de susceptibilité est produit par de fines particules magnétiques d'oxydes de fer issues de l'érosion continentale qui viennent se déposer au fond des océans. Une avancée de la mer au cours du temps géologique se traduit par une diminution du nombre de particules magnétiques et donc de la susceptibilité magnétique. C'est la chercheuse liégeoise Anne-Christine da Siva qui, la première, commença à questionner cette explication : « On s'est rendu compte que selon les coupes analysées, tantôt la susceptibilité magnétique augmentait au fil du temps géologique, tantôt elle diminuait... même lorsque les coupes dataient d'une même époque. Aussi, bien que l'explication classique faisant intervenir le niveau marin soit assez correcte, il est légitime de se demander si elle est transposable à toutes les situations. Des facteurs locaux pourraient également influer sur le signal, comme la turbulence ou la présence de récifs. C'est un véritable jeu de détective car, finalement, de nombreux paramètres peuvent agir. »
Plate-forme virtuelle
Si ce projet IGCP devait permettre de rassembler des chercheurs de diverses disciplines (paléontologie, géophysique, sédimentologie, etc.) autour de cette problématique, il devrait également aboutir au développement d'une plate-forme virtuelle qui offrirait une plus grande visibilité sur les roches étudiées par les différents chercheurs dans ce domaine, mais aussi sur les universités disposant d'un appareil de mesure de susceptibilité magnétique. « Quand ils ont rédigé ce projet, les leaders ont proposé de faciliter l'accès à leur matériel pour les membres du projet et particulièrement pour les pays en voie de développement, explique le Pr Frédéric Boulvain de l'ULg. C'est ainsi que notre unité de pétrologie sédimentaire accueillera en décembre une chercheuse tunisienne et un étudiant iranien qui, munis deleurs échantillons viendront faire des mesures pendant plusieurs jours avec notre appareil. »
Elisa Di Pietro
Voir l'article sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique terre/géologie)
| Congrès IGCP les 2 et 3 décembre Maison de la métallurgie et de l'industrie, boulevard R. Poincaré 17, 4020 Liège |
tél. 04.366.22.58 et 04.366.22.52