Novembre 2009 /188

Liège se fait belle

La gare de Santiago Calatrava et la Médiacité de Ron Arad, récemment inaugurées, apportent un lustre nouveau à la Cité ardente. Quel en sera l'impact ?
Avis glanés auprès de Jean-Marie Hauglustaine, chargé de cours expert en développement durable (faculté des Sciences), et de Céline Brandt, assistante et spécialiste du "city branding" (HEC-ULg).

HauglustaineJeanMarieLe 15e jour du mois : Que pensez-vous de ces deux nouveaux édifices ?

Jean-Marie Hauglustaine : Je suis très heureux de voir que Liège se dote d'une architecture audacieuse et ambitieuse. La gare des Guillemins, nouvelle "cathédrale des temps modernes", est vraiment un bel ouvrage. Est-elle surdimensionnée ? On verra. Il faut lui donner le temps de s'organiser, de s'imposer, de s'insérer dans un quartier réaménagé. Attendons avant de critiquer et ne boudons pas notre plaisir : Santiago Calatrava a signé là un très beau geste architectural.

De mon point de vue, j'apprécie particulièrement que les matériaux utilisés - le béton et le verre principalement - soient recyclables (à 100% pour le verre, un peu moins pour le béton). Et je suis aussi ravi qu'un tel accent soit mis sur une gare TGV car ce moyen de transport est à l'heure actuelle - si l'on excepte le vélo ! - le moins énergivore (à titre de comparaison, le TGV produit 15 g équivalent pétrole/km passager tandis que le bus en produit 24, le train 30, la voiture 58 et l'avion - court courrier - 80).

La Médiacité de Ron Arad - qui sera reliée directement à la gare - témoigne également d'une esthétique remarquable basée sur la simplicité des formes et le goût des courbes. C'est une idée très intéressante puisqu'il s'agit d'un pôle commercial, culturel et audiovisuel érigé au centre de la ville, c'est-à-dire facilement accessible par les transports en commun.

En outre, le projet peut s'enorgueillir du label "Breeam", lequel permet de certifier la qualité environnementale d'un projet. Pour obtenir un résultat honorable, l'architecte a conçu l'ensemble avec des matériaux recyclables, innovants, incluant une toiture végétalisée et la récupération des eaux de pluie et en accordant une attention particulière aux économies d'énergie.

 

Le 15e jour du mois : Pensez-vous que ces deux gestes architecturaux auront une influence sur le développement de Liège ?

J-M.H. : Une impulsion majeure est donnée et l'on peut espérer que cela déclenche un cycle vertueux. Ces deux grands chantiers ont en effet fourni du travail aux entreprises, aux bureaux d'études (Greisch notamment) et aux artisans de la région. Je suis certain que le savoir-faire liégeois acquis et valorisé à l'occasion de ces projets pourra facilement s'exporter et j'imagine que les artisans profiteront pleinement de cette expérience. Par ailleurs, la qualité esthétique des deux édifices aura certainement une influence positive, tant sur les employés des deux sites que sur les clients, les visiteurs et les habitants. Nous sommes naturellement sensibles à l'harmonie et à la beauté ; des études américaines notamment ont montré qu'un cadre de vie agréable, lumineux, soucieux de l'environnement est propice à l'épanouissement des personnes, et cela sans surcoût car il génère une meilleure rentabilité des employés.

Lier la Cité ardente à deux grands noms de l'architecture ne sera certainement pas sans conséquence du point de vue de la perception que les Liégeois ont de leur ville, mais aussi de l'image qu'elle donne aux autres.

BrandtCecileLe 15e jour du mois : Que pensez-vous de ces deux nouveaux édifices ?

Céline Brandt : C'est un signal fort pour la ville qui montre sa vitalité et sa volonté de s'inscrire dans une démarche ambitieuse. Cela peut avoir une influence favorable sur l'image de Liège. D'autres villes désireuses de modifier leur image, un peu vieillotte parfois, ont eu l'idée de miser sur l'écologie, la culture ou une attraction pour modifier les regards, attirer les habitants et l'attention des médias. C'est le cas de Liverpool, de Lille ou encore de Strasbourg : le "city branding" (gestion de la ville par la marque) est à la mode.

Indéniablement, la Médiacité - nouveau complexe incluant des commerces mais aussi des cinémas, une patinoire et les studios de la RTBF - est clairement une nouvelle "attraction" pour Liège. La gare aussi, dans une certaine mesure, car elle est l'œuvre d'un architecte connu dans le monde entier.

 

Dans le positionnement des villes, on dénombre habituellement quatre stratégies. La première concerne la gestion de l'image, simplement, comme l'ont fait New York et Paris par exemple. La deuxième vise à rendre la ville attractive en mettant en avant un patrimoine historique, un parc naturel, un stade de football ou un nouveau musée (comme Bilbao avec le musée Guggenheim). La troisième stratégie s'intéresse à la gestion des infrastructures (transports publics, énergie) et la dernière met l'accent sur les habitants. Je pense que Liège satisfait aux trois dernières stratégies. Seule manque au tableau une politique cohérente de la communication de son image.

Le 15e jour du mois : Pensez-vous que ces deux gestes architecturaux auront une influence sur le développement de Liège ?

C.B. : La qualité des transports publics est un élément décisif dans une ville qui doit attirer à la fois les étudiants, les investisseurs, les artistes, les entrepreneurs, les résidents et les touristes. La gare est donc un élément-phare dans un plan d'aménagement global des transports. Vis-à-vis de l'extérieur, les deux édifices constituent une belle vitrine. Liège se positionne comme une ville tournée vers le futur, les nouvelles technologies, les médias.

La gare de Calatrava comme la Médiacité peuvent devenir des symboles de la reconversion de la ville d'autant que le souci écologique de Ron Arad, notamment, place la Cité ardente sur la liste des villes éco-responsables. Par ailleurs, établir un lien entre Liège et Calatrava est un plus pour le tourisme, sans compter que le réseau TGV constitue un point extrêmement positif de développement.

Propos recueillis par Patricia Janssens

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