Mise en relief

"3D Stereo Media", un congrès à la convergence des arts, des sciences et des techniques

L'image en relief ? Beaucoup en rêvent, d'autres la conçoivent. C'est le cas des artistes des studios Pixar (L'âge de glace 3) et de James Cameron, avec son très attendu Avatar. Les exemples sont encore rares cependant, et pour cause : « Les défis sont omniprésents, fait remarquer le Pr Jacques Verly, du département d'électricité, électronique et informatique (laboratoire Intelsig), tant au niveau technique (captation des images 3D, traitement et transmission) qu'artistique (il s'agit d'un nouveau langage cinématographique). Loin d'être une simple prouesse technique, l'image en 3D annonce en fait une véritable révolution. » Une révolution en marche qui - outre le cinéma et la télévision dans un second temps - gagne des disciplines scientifiques et techniques très diverses telles que l'architecture et l'urbanisme, la médecine, le spatial et l'aéronautique, la télédétection, la sécurité et la défense, sans parler de la publicité, de la muséographie ou même de la confection de vêtements, etc.

Liège se positionne depuis quelques années dans ce domaine de pointe. A l'initiative de l'université de Liège et de la grappe e-mage*, un symposium "3D Stereo Media" se tiendra au Palais des congrès les 1er, 2 et 3 décembre prochains. Première du genre - internationale, interdisciplinaire, scientifique et artistique à la fois -, la manifestation aura de quoi séduire les chercheurs, les artistes, les industriels et le grand public.

Au programme, un festival de la technologie 3D et un festival du film en relief"
La pointe de l'iceberg 3D pour le grand public est évidemment le cinéma 3D. Les films en relief sont réapparus périodiquement depuis les années 1950, mais la tendance s'est toujours essoufflée. La nouvelle résurgence actuelle pourrait cependant, cette fois, être la bonne. « La raison fondamentale, explique le Pr Jacques Verly, est qu'une bonne partie de la production cinématographique est en train de passer d'un support analogique (le film de celluloïd traditionnel) à un support numérique (ou digital) et que le numérique permet de gérer l'information de profondeur (c'est-à-dire le relief) avec beaucoup plus de précision que ne le permet un support analogique de "plastique". » Ceci est capital, car un des problèmes majeurs du passé était que les artefacts des films 3D analogiques rendaient les spectateurs malades... Avec le numérique, les erreurs de captation (comme les parallaxes verticales indésirées) peuvent généralement être corrigées en post-production, ce qui était pratiquement impossible par le passé.

Alors que la révolution du cinéma 3D est bien amorcée (sa progression est essentiellement limitée par le nombre de films en relief et par la disponibilité de salles de cinéma équipées pour cette technologie), une autre révolution se prépare : la télévision et le gsm avec écrans 3D auto-stéréoscopiques (le relief sans lunettes !). Mais au-delà de tous ces aspects qui touchent le grand public, la 3D représente un vrai défi technologique, et donc des opportunités de recherche, de développement d'affaires pour les entreprises et les universités. « Prenons l'exemple de la captation, de la retransmission et de la projection d'un concert, le tout en 3D, et en temps réel, avec passage par fibre optique, satellite ou internet, reprend Jacques Verly. Les débits habituels sont doublés et il est impératif de corriger les problèmes de 3D en temps réel, donc par les techniques de traitement numérique d'image et de vision par ordinateur, lesquelles figurent d'ailleurs parmi les compétences principales du laboratoire Intelsig. »

Contrairement à d'autres événements sur la 3D qui sont conçus, soit pour les experts du cinéma et du broadcast (TV), soit pour les scientifiques et les ingénieurs de la 3D, le congrès de format entièrement nouveau fera se rencontrer ceux qui sont plus orientés vers des aspects artistiques et ceux qui sont plus versés dans les aspects recherche et développement scientifique et technique, sans oublier les hommes d'affaires.

Ben Stassen sera le président d'honneur de la manifestation. Natif d'Aubel, diplômé d'une école de cinéma de Los Angeles, habitué des studios californiens, il est le cofondateur de la société nWave Digital à Bruxelles et réalisateur du célèbre film en relief Fly Me to the Moon. Beaucoup le considèrent comme le père du cinéma d'animation 3D.

La révolution de l'image 3D, un défi technique
Le festival de la technologie 3D comprendra une série d'exposés et de panels de discussions, des posters scientifiques et techniques, et une exposition. Parmi les orateurs, le Pr Tanimoto de l'université de Nagoya (Japon), spécialiste de la télévision "à point de vue libre", où le spectateur peut à volonté changer l'angle de prise de vue. L'événement devrait aussi braquer le projecteur sur la 3D dans le spatial, notamment avec une présentation par l'ESA et un film 3D relatif à la mission Stereo de la Nasa.

Des posters scientifiques venus du monde entier témoigneront de la vitalité des recherches en la matière. L'une d'entre elles, menée au laboratoire Intelsig, concerne l'utilisation d'un nouveau type de caméra 3D permettant de filmer directement la troisième dimension, soit la profondeur de la scène. Une fois les données acquises, il s'agit d'exploiter cette information. « On parle alors d'algorithmes, de traitements d'image et de vision par ordinateur mais aussi de processeurs à hautes performances, explique Jacques Verly. Les applications industrielles sont nombreuses, comme l'inspection des produits sur une chaîne de fabrication et les futurs systèmes de jeux vidéo. » Quant à l'exposition, dans le grand hall du Palais des congrès, elle sera composée d'une trentaine de stands (Binocle, Eutelsat, Outside Broadast, Spatial View, etc.) et d'un studio du futur pour la télévision en relief.

Le festival du film en 3D, premier du genre en Europe, donnera l'occasion de visionner de longs et courts métrages, des films d'animation, des captations de concert ou encore des documentaires. Un jury sélectionnera une série de films "en compétition", lesquels seront alors à l'affiche des salles Kinépolis à Liège, Bruxelles et Anvers. Un Perron de cristal du Val Saint-Lambert sera remis à tous les lauréats. En collaboration avec la Maison de la science de l'ULg, diverses activités spécifiques seront proposées au grand public, aux élèves du secondaire et aux étudiants du supérieur, y compris des initiations au pourquoi et au comment du relief, des séances de projection de films 3D divers, tels des documentaires et des captations de spectacles vivants.

L'organisation d'un tel événement représente un vrai défi technique. « Nous devons en effet équiper - grâce à l'assistance technique de la société belge Barco - les salles de 250 et 500 places du Palais des congrès avec des systèmes de projections adéquats », précise Jacques Verly. Les lunettes 3D de la société XpanD, conçues et construites aux Etats-Unis, viendront spécialement de Slovénie pour l'occasion et la société liégeoise XDC assurera l'installation et la gestion des serveurs numériques de cinéma.

« Mes premiers contacts avec le monde du 3D remontent à 1984, se souvient Jacques Verly. A cette époque, j'ai eu l'occasion de travailler au MIT sur les images 3D captées par les premiers radars à rayon laser transportable qui nous permettaient d'acquérir des images 3D d'objets situés jusqu'à plusieurs kilomètres. Les images que je traitais étaient des cartes de profondeur. » 25 ans plus tard, ces cartes (images) de profondeur sont en train de devenir incontournables dans le domaine du cinéma et du broadcast avancé. Une belle preuve de l'utilité de la recherche de pointe et de ses retombées inattendues, une fois encore.

Patricia Janssens

Informations et inscriptions sur le site www.3dmedia2009.com

* Une manifestation à l'initiative du Pr Jacques Verly et de la grappe technologique e-mage, réalisée en partenariat avec Pierre Collin (Eureka Conseil) et Alain Gallez (Eventis).
Le laboratoire Intelsig de l'ULg est un acteur majeur dans le domaine de la 3D relief, en partie via le projet Feder 3DMedia, où il collabore avec l'UCL, UMons et Multitel. L'environnement industriel est aussi particulièrement riche avec XDC, leader européen de la construction de serveurs numériques 2D/3D de cinéma et de l'installation de salles de cinéma numériques 2D/3D en Europe, et avec EVS, dont les serveurs et les systèmes de ralentis peuvent s'accommoder de flux 3D. Avec tout ceci, plus la grappe technologique e-mage et le Pôle Image de Liège, on peut vraiment parler d'une "vallée du 3D à Liège".