Octobre 2009 /187
Octobre 2009 /187

La France, les femmes et le pouvoir

Un thème intemporel au cœur d'un débat

Le 15 octobre, le FER ULg (association des enseignantes et des chercheuses de l'université de Liège) et l'unité de recherche en études de genre organisent une conférence-débat intitulée "La France, les femmes et le pouvoir : de l'invention de la loi salique à la lente reconquête des droits à l'égalité des sexes", animée par Éliane Viennot. « Cette professeure de Lettres à l'université de Saint-Etienne, membre de l'Institut universitaire de France, est une figure très intéressante car son parcours est atypique, relate Marie-Elisabeth Henneau, membre du FER ULg et historienne des femmes. Après des études en Lettres et avant d'entamer une thèse, elle a travaillé pendant longtemps dans le milieu associatif. C'est une féministe militante. »

Légende noire et loi salique
Spécialiste de la littérature de la Renaissance, Eliane Viennot a consacré son doctorat à Marguerite de Valois qu'elle déclare victime d'une légende noire. « La femme d'Henri IV a inspiré à Alexandre Dumas une œuvre intitulée "La Reine Margot", rappelle Marie-Elisabeth Henneau. L'image qu'il y donne de la reine de Navarre est apocalyptique, celle d'une femme menaçante, violente, avide, incompétente, nymphomane... Finalement, très éloignée de la réalité, comme l'a démontré la chercheuse en étudiant sa correspondance. » Pourquoi un tel contraste ? Éliane Viennot émet la thèse selon laquelle la création des universités au XIIIe siècle a vu émerger la clergie. « Ces techniciens du pouvoir totalement misogynes se sont investis dans la construction de l'Etat et dans les commentaires sur la vie politique. Pour eux, les femmes sont - à l'image idéalisée de leurs mères - douces, dociles et entièrement vouées à l'éducation de leurs enfants, ou séduisantes et donc forcément dangereuses comme les prostituées qu'ils fréquentent. Au fil du temps, ces "technocrates" vont mettre sur pied une insidieuse campagne historiographique destinée à éliminer toutes ces dames - politiciennes, dramaturges ou musiciennes - qui ont joué un rôle important et qui vont progressivement disparaître tant de notre mémoire que de nos livres d'histoire », assure Marie-Elisabeth Henneau.

 

D'un point de vue politique, Éliane Viennot évoque également, dans le premier volume de ses recherches*, un autre moyen de mise à l'écart des femmes, une invention imputée aux Francs saliens : la loi salique. L'auteure montre comment un extraordinaire mélange de travail, d'ingéniosité et de hasard a pu aboutir à la fabrication, puis à l'adoption de cette législation, empêchant ainsi les femmes d'hériter et de transmettre la Couronne.

Vers la reconquête
Dans le second volume de son étude, Éliane Viennot décrit le rapide déclin de l'activité politique des grandes dames et des reines, malgré les résistances dans les faits et dans les textes, dont témoigne la célèbre "Querelle des femmes". « Contrairement à ce que l'on croit, rien ne s'arrange à la Révolution française ; le régime est loin d'être égalitaire, l'on note même un certain recul des droits de la femme », insiste Marie-Elisabeth Henneau. L'opposition est virulente et un nouvel argumentaire misogyne voit le jour, fondé sur la différence naturelle des sexes. « Il est rejoint par le discours de l'Église et son idéal de la famille, qui prétend que chacun y a son rôle, déterminé par sa nature. » L'espace des femmes est le foyer domestique : gare à celles qui veulent s'en éloigner ou exercer une fonction réservée aux hommes ; elles seront considérées comme de mauvaise vie et seront la cible d'un discours culpabilisant. Des idées auxquelles les féministes ont beaucoup de mal à s'opposer aujourd'hui encore.

Martha Regueiro

* La France, les femmes et le pouvoir : l'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècles), Perrin, Paris, 2006.

Conférence "La France, les femmes et le pouvoir : de l'invention de la loi salique à la lente reconquête des droits à l'égalité des sexes", suivie d'une table ronde.
Jeudi 15 octobre à 18h,
Salle Lumière, place du 20-Août 7, 4000 Liège.

 

 

tél. 04.366.54.57,

courriel menhenneau@ulg.ac.be

 

Facebook Twitter