Le 26 novembre 2009 restera dans les annales de la dentisterie. Ce jour-là, à l'université d'Aix-la-chapelle en Allemagne, une centaine de dentistes ont reçu un "European Master Degree in Oral Lasers Applications" (EMDOLA) délivré par l'ULg. Une première.
Coordonné à l'ULg par Samir Namour, professeur de faculté (faculté de Médecine), l'European Master Degree in Oral Lasers Applications est enseigné conjointement dans les universités de Liège, Nice et Aix-la-chapelle mais aussi à Parme, Rome et Barcelone. L'ambition des concepteurs est d'essaimer cette formation dans tous les pays de l'Union. A l'heure actuelle, les universités de Lyon, Timisoara et Helsinki ont marqué leur intérêt pour ce cursus distingué par la Commission européenne. En 2007, en effet, lors des manifestations à Berlin du 50e anniversaire de la signature des traités de Rome instituant le Marché commun, "EMDOLA" avait reçu le "Bronze Award for long life learning program".
Qu'est-ce que la laserothérapie ? Il s'agit d'une méthode consistant à employer le laser pour effectuer des soins médicaux. Déjà utilisée avec profit en ophtalmologie, gynécologie ou dermatologie, cette technique, récente sinon nouvelle, peut être également employée en dentisterie. C'est la conviction de Samir Namour. Depuis 1983, en effet, ce chercheur d'origine libanaise s'intéresse au laser et à ses applications en dentisterie. Auteur d'une thèse de doctorat (1988) et d'une thèse d'agrégation (1993) sur ce sujet, il a fait de sa passion une vocation. Président de la Fédération mondiale de lasérothérapie en médecine dentaire de 2006 à 2008, il est à l'initiative d'"EMDOLA".
« Le laser est un système optico-électronique qui produit un faisceau lumineux artificiel, et qui possède une longueur d'onde précise et spécifique, explique brièvement le professeur. Concentrant une grande quantité d'énergie, il permet notamment une vaporisation superficielle élective des tissus, tout en étant de manipulation assez aisée. C'est une espèce de "bistouri lumineux" en quelque sorte. » Déjà utilisé en ophtalmologie pour la correction des myopies sévères ou les traitements rétiniens, en gynécologie pour soigner les infections ou les tumeurs virales, et en chirurgie plastique (effacement des rides, traitement des tumeurs sanguines, etc.), le laser, s'il ne remplace pas complètement les traitements actuels, a prouvé son efficacité dans plusieurs domaines de la dentisterie.
« Les domaines d'application de cette technique en dentisterie sont nombreux, explique Samir Namour. Que ce soit en dentisterie conservatrice (les caries), en parodontologie (traitement des gencives), en chirurgie des tissus mous (tumeurs bénignes) ou en dentisterie cosmétique (blanchiment dentaire, enlèvement des pigmentations gingivales noires), l'outil est particulièrement efficace. » Extrêmement puissant et particulièrement sélectif, le rayon désintègre en effet les cellules qui doivent disparaître, et elles seules. « Dans le cas de la carie par exemple, l'énergie du faisceau est absorbée de façon immédiate et la fait voler en éclat sans toucher la partie saine, poursuit le professeur. Et ce, de façon très précise et sélective. Ainsi, un colorant spécifique injecté dans une tumeur maligne et se fixant exclusivement sur les cellules cancéreuses, activé par la lumière laser, libère des radicaux libres, lesquels vont véritablement détruire les cellules cancéreuses. Sans dommages collatéraux. »
Les avantages de la technique sont considérables. Les lasers présentent des effets de biostimulations tissulaires qui permettent une régénération et une cicatrisation de meilleure qualité qu'avec les méthodes traditionnelles. L'impact décontaminant du rayon laser diminue en outre sensiblement les risques de récidive postopératoires et favorise la guérison définitive. De surcroît, couplé à une fluorisation, il peut augmenter la résistance dentaire à la carie.
Pour le patient, cette technique est gage d'un confort indéniable. « Le laser est très fréquemment susceptible de remplacer la fraise pour le traitement des caries, note Samir Namour. Et il rend l'anesthésie locale inutile dans certains cas. Plus besoin de piqûres ! » Les patients quittent ainsi le fauteuil sans engourdissement et sans gêne. Sans danger, même pour les femmes enceintes, le laser permet des interventions chirurgicales en évitant les saignements et les sutures. « Les faisceaux laser coupent et provoquent, simultanément, une coagulation suivie d'une meilleure cicatrisation. Certains offrent aussi la possibilité de désensibiliser des dents sensibles au chaud ou au froid. »
Il existe deux types de laser : les "polyvalents" permettant de traiter à la fois tissus mous (gencives, muqueuses) et tissus durs (émail, os ou caries), et les lasers pour tissus mous uniquement. En Europe, les pays qui utilisent le plus les lasers dentaires polyvalents sont l'Allemagne et l'Italie ; le moins, le Royaume-Uni. La France se situe dans la moyenne alors que c'est à Paris (Pr Jacques Melcer) et à Lyon (Pr Philippe Bonin) que les premières recherches ont eu lieu au début des années 1980. Au Japon, la plupart des dentistes utilisent déjà la technique dans leur cabinet. « En Flandre, complète Samir Namour, plus de 400 dentistes proposent déjà certains soins au moyen de cette technologie de pointe. »
En Belgique, depuis 1990, des formations "sur le tas" ont été mises en place, à la VUB et à l'ULB par exemple, où le Pr Samir Namour a donné cours. Mais comprendre et maîtriser la technique du laser méritait une formation plus poussée. D'où la création de l'European Master Degree en 2006. « Ce cursus européen, enseigné simultanément dans six universités en Europe et d'une durée de deux ans, s'adresse à des dentistes diplômés, reprend Samir Namour. Il comprend des cours théoriques - en présentiel et en e-learning -, des stages et un mémoire. » Les enseignants viennent des quatre coins du monde dans les universités qui dispensent la formation. Les mémoires des étudiants permettent de mener plus avant la recherche dans divers domaines, l'amélioration de l'adhésion des obturations esthétiques blanches ou la prévention des caries notamment.
De plus en plus de dentistes s'intéressent à ce nouvel outil qui n'a qu'un seul défaut : son coût. « Les appareils polyvalents sont en effet très chers, confirme Samir Namour, mais dans les hôpitaux cet investissement est rentable dans la mesure où il peut servir à la fois aux soins, à la recherche et à la formation. »
Patricia Janssens
Contacts : tél. 04.270.31.00, courriel s.namour@ulg.ac.be
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