La 88e édition du salon auto et moto de Bruxelles se tiendra du 14 au 24 janvier.
Placé sous le signe de la révolution technologique, il fera la part belle aux énergies propres.
Rencontre avec les Prs Pierre Duysinx (faculté des Sciences appliquées) et Benoît Dardenne (faculté de Psychologie et Sciences de l'éducation).
Le 15e jour du mois : Au sortir du sommet de Copenhague, à l'heure où l'on prône l'utilisation des transports en commun, le salon de l'auto est-il toujours "politiquement correct "?
Pierre Duysinx : La voiture fait partie de notre mode de vie, c'est un bien de consommation très répandu dans nos sociétés et l'industrie automobile fait vivre des milliers de personnes. Eu égard au réchauffement climatique, l'objectif de l'Union européenne est de réduire de façon drastique nos émissions de CO2, tout en maintenant notre niveau de confort et de technologie (contrairement aux partisans de la décroissance qui préfèrent brider leur consommation afin de réduire la pollution). Nous devons impérativement obtenir une meilleure efficience énergétique. Les constructeurs automobiles l'ont bien compris et présentent maintenant plusieurs alternatives au moteur classique. Je pense notamment aux voitures roulant au gaz naturel, marché en forte expansion en Allemagne, en Suisse et en Italie mais aussi au retour en force de véhicules "électriques purs" qui se rechargent sur le secteur. Leur autonomie est à présent de 120 à 150 km, ce qui est suffisant pour nombre de citadins qui parcourent en moyenne moins de 50 km par jour. Tout cela à la plus grande joie des fournisseurs de gaz et d'électricité comme GDF-Suez ! Dès 2011, plusieurs grands constructeurs - Nissan, Renault, Peugeot, Mitsubishi - mettront sur le marché quelques modèles de "vraies voitures" électriques avec un prix de vente comparable à celui d'une voiture ordinaire. Renault proposera l'achat de la batterie en leasing. D'autre part, Toyota qui s'est lancé avec succès dans la production de voitures hybrides (un moteur à piston couplé avec une batterie) s'investit maintenant dans un moteur hybride plug-in avec possibilité de recharge à la prise. C'est très clair à présent : le monde de l'automobile a pris un virage. Face aux impératifs environnementaux et devant une demande croissante de la part des consommateurs d'un véhicule moins énergivore, les constructeurs n'ont de cesse de proposer des solutions moins polluantes. La cible est d'avoir dans dix ans au minimum 20 % du parc automobile avec des moteurs et carburants plus respectueux de l'environnement.
Le 15e jour : La technologie est-elle la seule réponse possible pour une réduction des émissions de CO2 ?
P.D. : C'est un premier pas. Le second - plus difficile certainement - sera de s'interroger sur le bien-fondé de l'utilisation de la voiture. Sans doute faudra-t-il apprendre aussi à s'en servir à bon escient, en limitant les petits trajets notamment : le vélo dans ce cas est certainement plus écologique. Attention cependant au terrorisme climatique ! Posséder une voiture n'est pas un crime; par contre, en user avec modération deviendra "politiquement correct". Cela nous amène inévitablement à évoquer les transports en commun. Si l'on veut restreindre l'utilisation massive de la voiture, il faut un réseau efficace. A cet égard, l'offre est pratiquement inexistante aux Etats-Unis et elle reste insuffisante en Europe. Si le rail comble une partie des besoins, les bus, les trams, voire les mini-bus et taxis devraient apporter une réponse souple aux différentes demandes. Nous avons un urgent besoin d'une politique de transport responsable et faiblement énergivore. Cela concerne aussi l'industrie automobile...

Le 15e jour du mois : Au sortir du sommet de Copenhague, à l'heure où l'on prône l'utilisation des transports en commun, le salon de l'auto est-il toujours "politiquement correct "?
Benoît Dardenne : Le salon est toujours l'occasion de montrer les nouveautés au grand public. Or, les nouveaux modèles de 2010 sont plus respectueux de l'environnement : ils rejettent moins de CO2 dans l'atmosphère. Le salon se place bien sûr dans une logique économique, mais il montre aussi que les constructeurs sont plus attentifs désormais à l'impact de la voiture sur l'environnement.
Au-delà du salon, le débat reste ouvert : faut-il changer de voiture aujourd'hui ? Remplacer une vieille voiture par un véhicule neuf est sans doute bénéfique pour notre planète car les nouveaux modèles sont plus performants : le nouveau parc automobile est nettement moins polluant que l'ancien. Mais certains, évoquant au passage le coût énergétique de la production de la voiture, pensent qu'il faut surtout utiliser les transports en commun et favoriser, en ville notamment, les déplacements en vélo.
Restons honnêtes : se débarrasser de la voiture n'est pas si simple. Car elle est plus qu'un objet : elle représente, pour beaucoup, une image de soi, un message sur ses valeurs. Elle fait partie du registre émotionnel et il est dès lors d'autant plus difficile de s'en passer.
Le 15e jour : La technologie est-elle la seule réponse possible pour une réduction des émissions de CO2 ?
B.D. : Ce sont nos habitudes qu'il va falloir changer. Et là, force est de constater une grande ambivalence : les gens sont convaincus qu'il faut faire quelque chose pour l'environnement mais ont du mal à modifier leur comportement. C'est d'autant plus vrai sur le chapitre des transports. D'une part, parce que le slogan "ma voiture, c'est ma liberté" est bien ancré dans notre imaginaire ; d'autre part, parce l'infrastructure des transports en commun n'est pas toujours satisfaisante.
Par ailleurs, dans une enquête que nous avons menée récemment, j'ai été assez étonné du fait qu'une frange assez importante de la population estime que l'enjeu environnemental n'est pas une priorité pour elle. Certes les gens se disent informés et conscients de la problématique, mais ils ont d'autres soucis : le court terme s'impose.
Et pourtant, malgré tous les arguments que nous pourrons évoquer, la rareté du pétrole va nous contraindre à modifier nos habitudes. Cela se fait lentement néanmoins. Le respect de l'environnement lui-même est une thématique qui s'est imposée graduellement. Regardez le tri des déchets : au début il y a eu des contestations, aujourd'hui il est admis sans problème. A l'heure actuelle, l'éco-conduite s'est imposée et le regard d'envie sur les "4x4" s'est mué - à tort parfois parce que le type de conduite est aussi déterminant pour la pollution - en un long murmure de reproches...
Pour changer les comportements, il faut certainement valoriser l'image des transports en commun, et en outre dévaloriser l'utilisation abusive de la voiture. Une stratégie de communication à long terme est indispensable. La SNCB, notamment, s'y emploie en mettant l'accent sur les avantages du rail.
Propos recueillis par Patricia Janssens