Janvier 2010 /190
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4 questions à Olivier Caprasse

La faculté de Droit et de Science politique hors les murs

CaprasseOOlivier Caprasse est professeur de droit des affaires et doyen de la faculté de Droit et de Science politique.

Au début du mois de novembre dernier, une dizaine de professeurs et membres de la faculté de Droit et de Science politique se sont rendus en République démocratique du Congo (RDC), plus précisément dans la capitale Kinshasa. Au menu, de nombreuses rencontres, notamment avec le ministre de l'Enseignement supérieur du pays, l'ambassadeur de Belgique, la déléguée de la Communauté Wallonie-Bruxelles, le doyen de la faculté de Droit de l'université de Kinshasa (Unikin) et plusieurs professeurs de celle-ci, le directeur de l'Institut supérieur de commerce, ainsi que plusieurs chefs d'entreprise. Une mission inscrite dans le contexte plus large de coopération avec la capitale congolaise*.

Le 15e jour du mois : Une mission de la Faculté en Afrique, c'est une première ?

Olivier Caprasse : En tant que Faculté, oui. L'idée a germé lors d'une journée de réflexion : à la question "devrions-nous tenter d'exporter collectivement nos compétences sur la scène internationale ?", la réponse a été unanimement positive. Si individuellement, professeurs et scientifiques ont chacun de nombreux contacts avec leurs collègues à l'étranger, s'ils participent à des publications internationales et à des colloques "hors les murs", la faculté de Droit et de Science politique de Liège n'avait pas encore vraiment développé d'action collective en tant que telle. Les chercheurs ont manifesté leur souhait de fédérer les expertises singulières à l'avantage d'un projet commun mené sur un long terme.

Le 15e jour : Pourquoi avoir choisi le Congo ?

O.C. : D'une part parce que les liens entre la Belgique et le Congo sont historiques, mais aussi parce que, au sein même de la Faculté, la Cellule d'appui politologique en Afrique centrale (Capac) - dirigée par Bob Kabamba et Pierre Verjans, tous deux chargés de cours au département de science politique - y est déjà très active. Cette cellule assure ainsi, depuis 2004, un rôle de conseiller auprès des autorités locales dans le cadre du processus de démocratisation. L'enjeu est de taille puisqu'il a conduit à la rédaction de la Constitution de la République démocratique du Congo, à la tenue d'élections démocratiques et concerne directement les prochaines élections présidentielles de 2011.

Les liens de notre Faculté avec Kinshasa se tissent également déjà dans le cadre du programme "Kin 05", soutenu par la Commission universitaire pour le développement (CUD), en partenariat avec la plus grande université du pays, l'Unikin. Il s'agit d'un projet de coopération mené dans le cadre de la CUD, lequel entend soutenir la formation des doctorants. Concrètement, trois doctorants sélectionnés sur place sont suivis à la fois par un professeur de Kinshasa et par un chercheur liégeois. Ils bénéficient en outre d'un accueil à l'ULg pendant trois mois par an, et ce durant trois années. Ceci leur permettra, non seulement de rencontrer leur directeur de thèse mais aussi de profiter des ressources de notre bibliothèque, tout en suivant les cours qu'ils désirent.

Ce programme est mené par l'équipe de Bob Kabamba qui assure aussi, depuis 2004, un rôle de conseiller auprès des autorités locales dans le cadre du processus de démocratisation de la RDC. L'enjeu est en effet de taille puisqu'il concerne les prochaines élections présidentielles en 2011.

Le 15e jour : Quelle forme a revêtu votre expertise lors de la mission ?

O.C. : Notre première action a été d'organiser, avec la faculté de Droit de l'Unikin et sous le haut patronage de l'Assemblée nationale de la RDC, un colloque sur la décentralisation fiscale. Un événement qui a permis à la fois d'offrir une expertise croisée sur une question d'actualité et de renforcer les liens entre les deux Facultés.

La problématique est d'importance, évidemment, puisqu'elle concerne les impôts. Comment faut-il les répartir ? Faut-il centraliser la collecte et distribuer ensuite les fonds ou faut-il d'emblée laisser une partie des impôts aux provinces ? Les parlementaires s'interrogent et sont à la recherche de pistes concrètes. Christian Behrendt, Quentin Michel, Geoffrey Matagne, Magali Verdonck mais aussi Marc Bourgeois sont intervenus afin d'expliquer la philosophie de base qui prévaut en Belgique ainsi que les méthodes d'application de celle-ci. Certes, le système fiscal belge n'est pas transposable tel quel dans ce grand pays d'Afrique. Néanmoins, les principes fondamentaux restent valables et peuvent guider la réflexion. Les débats ont été très nourris et il est vraisemblable que Marc Bourgeois, spécialiste de droit fiscal, sera invité fréquemment par le Parlement. Par ailleurs, notre mission s'est achevée par la tenue d'une conférence sur "les modes alternatifs de règlements des conflits" à l'Unikin.

Le 15e jour : Rien pour la formation sur place ?

O.C. : Si. En collaboration avec le Premier vice-recteur, Albert Corhay, initiateur du projet, nous travaillons à l'élaboration d'un master complémentaire en administration des affaires à l'Institut supérieur de commerce (ISC) de Kinshasa, de conserve avec le Pr Mangala. Notre volonté est d'offrir un volet juridique dans cette formation. Dans cette optique, nous avons rencontré à Kinshasa le ministre de l'Enseignement supérieur, le directeur de l'ISC et le patron de la fédération des entreprises du Congo, car ce master concerne principalement les cadres d'entreprise qui souhaitent une formation complémentaire haut de gamme. Notre apport, à côté des cours de gestion, de finance et de management, concernerait par exemple les contrats internationaux, les institutions économiques, le droit fiscal, l'arbitrage, etc. Nous avons pu constater in situ que la demande est réelle. Le Pr Corhay peaufine actuellement le projet dont nous espérons qu'il pourra déboucher sur la mise en place du master dès la rentrée 2010-2011. Le diplôme serait délivré par l'ISC, les cours étant valorisables à l'ULg via le système des ECTS.

Propos recueillis par Patricia Janssens - Photo : J.-L. Wertz

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