Février 2010 /191

Un mal foudroyant

Progrès dans la recherche sur la myopathie atypique

ChevalUne recrudescence de la myopathie atypique chez les chevaux a incité une équipe de l'université de Liège, dirigée par le Pr Didier Serteyn, à rechercher les causes de ce mal foudroyant. Beaucoup de myopathies connues chez l'homme sont d'origine génétique. Chez le cheval, elles sont souvent déclenchées par l'exercice. La myopathie atypique, elle, se contracte dans un environnement particulier, en dehors de tout effort physique, principalement en automne et au printemps. Elle n'a donc rien d'héréditaire. Non contagieuse, elle n'en reste pas moins sournoise : elle s'attaque à l'ensemble des muscles du cheval de manière fulgurante. « Près de 85% des chevaux atteints meurent dans un délai de 24 heures, explique le Dr Dominique Votion, du département clinique des animaux de compagnie et des équidés et du centre européen du cheval de Mont-le-Soie. C'est là la grande difficulté, autant pour une intervention que pour le moral du propriétaire. »

Origines de la maladie
La cause exacte de la maladie n'a pas encore été découverte. Mais sa recrudescence a permis d'établir un lien entre ses occurrences et le climat. Une première hypothèse tendait à attribuer la responsabilité de la myopathie atypique à la toxine d'un champignon microscopique. « On observe les cas au printemps et en automne, explique la chercheuse. L'intoxication serait favorisée par un climat chaud (pour la saison) et humide, conditions environnementales propices aux champignons. »

De nouvelles avancées permettent cependant aux scientifiques d'incriminer plutôt une bactérie. En effet, l'équipe suisse spécialisée en bactériologie et qui participe aux recherches a découvert, dans les échantillons prélevés par les Liégeois ainsi que sur des cas suisses, les toxines d'une bactérie : un clostridium. Celui-ci pourrait être à la base du déclenchement de la myopathie atypique.

A Liège, le Dr Votion a voulu connaître le mécanisme de la pathologie : pourquoi les muscles étaient-ils détruits ? « Les muscles les plus atteints sont ceux qui contiennent le plus de mitochondries », révèle la chercheuse. Celles-ci étaient-elles impliquées dans le processus physiopathologique ? « Les mitochondries présentes dans les cellules produisent, à partir de divers substrats énergétiques, l'énergie nécessaire au fonctionnement de la cellule », explique-t-elle. Or, dans le cas de la myopathie atypique, la fonction mitochondriale est altérée : l'énergie vitale pour le fonctionnement musculaire n'est plus produite en quantité suffisante. L'ensemble des muscles est alors affecté et ceux qui recourent essentiellement à la mitochondrie pour leur fonctionnement dégénèrent rapidement. « Les chevaux atteints de myopathie atypique semblent souvent affamés, précise la chercheuse. En réalité, leur organisme n'arrive pas à utiliser l'énergie des lipides ingurgités. »

Autre progrès : pour étudier les cas de myopathie, les chercheurs devaient prélever d'importants échantillons de muscle (on parle de biopsie invasive ou de macrobiopsie). Aujourd'hui, grâce à un scientifique autrichien concepteur d'une machine singulière (l'oxymètre à haute résolution), les scientifiques peuvent réaliser des microbiopsies. « Placés ensuite dans l'oxymètre, ces tissus minuscules permettent d'étudier le fonctionnement mitochondrial à travers l'oxygène consommé par les mitochondries. La machine nous permet de mesurer la quantité d'oxygène utilisé, reflet de la capacité du tissu musculaire à produire l'énergie nécessaire à son fonctionnement. » L'outil peut donc grandement servir, non seulement à la compréhension des dysfonctions mitochondriales associées à la myopathie atypique mais également à l'étude des myopathies équines, en général.

Prudence
Hélas, il n'existe à l'heure actuelle aucun moyen de guérir les chevaux de la myopathie atypique. Cet automne, 371 cas ont été recensés en Europe. Seuls 80 ont survécu. « Il faut limiter les risques au maximum », conclut le Dr Votion. Et rentrer les chevaux au box lors des séries cliniques. Comme quoi, prévenir vaut toujours mieux qu'espérer guérir.

Philippe Lecrenier

Voir l'article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be.

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