Février 2010 /191

Fertilité liégeoise

Mithra, une entreprise qui investit durablement

VenusMiloPeut-être bien un pur produit de la politique industrielle wallonne, Mithra Pharmaceuticals fait partie de ces entreprises auréolées de succès que l'on aime évoquer pour conclure d'un exemple éclatant un inventaire persuasif des "belles réussites liégeoises". Mise sur pied au tournant du siècle dernier et d'emblée soutenue par Meusinvest, cette spin-off chère à l'université de Liège, fondée notamment à l'initiative du Pr Jean-Michel Froidart, s'est d'emblée signalée, dans la sphère pharmaceutique, par son profil pionnier, prenant le parti de se concentrer exclusivement sur la santé féminine.

La pilule pour toutes
C'est à Mithra, ainsi baptisée d'après le dieu indo-iranien assimilé à Rome au dieu de la fertilité, que l'on doit, entre autres premiers jalons, une pilule contraceptive générique - une première mondiale - rapidement rendue gratuite aux jeunes filles belges de moins de 21 ans. Cette pilule, aujourd'hui la plus vendue sur le marché belge, venait en complément d'une gamme de produits très ciblés tels que des compléments alimentaires pour femmes enceintes ou des produits d'hygiène intime, lesquels font toujours les beaux jours de la naissante spin-off. Installée depuis 2008 dans une bâtisse cossue du XVIIIe siècle, en plein centre historique de Liège pour mieux, nous dit-on, « marquer son insertion dans le patrimoine culturel », l'entreprise est emmenée depuis dix ans par un stoïque administrateur-délégué, François Fornieri, un ingénieur industriel liégeois autrefois au service de l'Allemand Bayer Schering Pharma.

François Fornieri voit aujourd'hui arriver à terme, non sans satisfaction, des recherches vieilles d'une décenie. Des développements qui, à l'entame d'une seconde décennie, s'apprêtent à donner un impetus vigoureux à l'entreprise mosane, dont l'ambition générale avouée s'attache à « faire revivre le pôle industriel pharmaceutique liégeois ». On devrait ainsi voir « la petite Mithra » - qui s'enorgueillit d'avoir généré, dans son giron, une centaine d'emplois et de vouloir en engendrer encore plusieurs dizaines - sortir sur le marché, successivement, un stérilet hormonal actuellement en phase d'étude clinique, un test de fertilité dont on annonce « qu'il doublera les chances de fécondation in vitro, en passant de 30% à 60% », et un traitement innovant du cancer du col de l'utérus. La spin-off, qui se situe volontiers en phase de transition, prévoit 100 millions d'euros d'investissements au cours des dix prochaines années, soit dix fois plus que son chiffre d'affaires actuel. Alliant expertise universitaire et savoir-faire commercial, Mithra Pharmaceuticals, qui détient 30% du marché belge de la contraception et prévoit une présence internationale accrue dans les années à venir (notamment au Japon et aux Etats-Unis), se voit plus que jamais en haut d'affiche.

Préserver son autonomie
Mais elle reste résolument basée et attachée à Liège. « Nous ne voulons pas que les investissements et le savoir-faire de la région filent à l'étranger », rappelle François Fornieri. Qui ne manque pas de nuancer, pour ne pas dire corriger, les propos « un peu suprenants » de Bernard Surlemont (dans notre édition de décembre) qui, citant Mithra Pharmaceuticals en exemple, déclarait qu'il était « préférable que le conseil d'administration de la spin-off comporte des membres expérimentés, actifs dans le secteur (...). Mithra a très tôt pu compter sur l'appui d'un groupe pharmaceutique ». De quoi étonner l'intéressée. Le groupe pharmaceutique dont question ne partageant justement pas toujours les mêmes objectifs de développements et son appui, mentionné par le professeur, ne s'étant pas vraiment vérifié sur le terrain, loin s'en faut semble-t-il.

« Lorsqu'un industriel entre dans une structure, celle-ci n'est pas à l'abri d'un éventuel agenda caché qui consisterait à prendre purement et simplement le contrôle de l'entreprise. Nous connaissons ce cas de figure en ce moment, souligne l'administrateur-délégué. Le projet de cet industriel, jusque-là actionnaire dormant, était de faire de Mithra une simple structure de distribution, et de rapatrier le pôle recherches et développements. C'est inconcevable. Pour éviter tout risque, les objectifs de chacun doivent donc être clairs d'entrée de jeu. »

Patrick Camal

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