Février 2010 /191
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6 questions à Jean-Claude Marcourt

L'enseignement supérieur

MarcourtJean-Claude Marcourt est vice-président du gouvernement wallon, ministre de l'Economie, des PME, du Commerce extérieur, des Technologies nouvelles en Région wallonne et ministre de l'Enseignement supérieur en Communauté française.

L'initiative, prise en décembre dernier, d'une Table ronde de l'enseignement supérieur prouve sa volonté de consensus. Le ministre Jean-Claude Marcourt, à l'entame de la nouvelle législature, a voulu susciter un large débat sur l'avenir de l'enseignement supérieur en Communauté française et sur son évolution dans le contexte européen. Autour de cet ambitieux projet se réunissent des représentants des universités, des hautes écoles, des écoles supérieures des arts, des étudiants, des professeurs, des syndicats, des administrations. Et se profilent des discussions sans exclusive, promet le ministre. Le rapport final est attendu pour le printemps. Le 15e jour du mois a rencontré le ministre, récemment promu à l'Enseignement supérieur.

Le 15e jour du mois : La compétence de l'Enseignement supérieur est aujourd'hui attribuée au ministre de l'Economie. Faut-il voir un lien entre ces deux domaines ?

Jean-Claude Marcourt : Les arbitrages politiques m'ont en effet confié cette nouvelle matière, laquelle m'intéresse depuis très longtemps. Existe-t-il un lien entre l'enseignement supérieur et l'économie ? Evidemment. Non pas un lien direct (je n'ai pas une vision utilitariste de l'enseignement), mais un bien indirect. Il s'agit de deux regards différents sur le monde, distincts mais unis à la fois. D'une part, parce que les études mènent très souvent à la vie professionnelle et, d'autre part, parce que les universités, impliquées dans le plan Marshall, sont de ce point de vue au cœur de l'économie. La recherche appliquée et le monde industriel se côtoient.

Le 15e jour : Dans quel but mettre en place la Table ronde de l'enseignement supérieur ?

J-Cl. M. : Depuis la conférence de Bologne en 1999, la structure de l'enseignement supérieur a beaucoup évolué. Trois Académies ont d'abord vu le jour et plusieurs institutions ont ensuite fusionné en leur sein. Aujourd'hui, les instituts d'architecture se rapprochent des universités. Et demain ? Est-il envisageable de fédérer l'ensemble des hautes écoles au sein des universités ? La question mérite que l'on s'y attarde et c'est la raison pour laquelle j'ai proposé que toutes les parties concernées par le sujet donnent leur avis.

D'autre part - et c'est aussi une des raisons qui m'ont conduit à mettre sur pied la Table ronde - , je pense que nous devons rester très vigilants face à l'implication de l'Union européenne en matière d'enseignement. Déjà elle délivre les accréditations. Quel autre pouvoir aura-t-elle demain ? Empreint d'une idéologie libérale, le Parlement européen revendique la libre circulation des travailleurs dans l'Union et rêve d'unifier les formations pour les rendre interchangeables. Mais la Communauté française de Belgique tient à garder ses spécificités, telles que le financement ou l'accès aux études, etc. Nous devons veiller à sauvegarder la qualité de notre enseignement supérieur.

Le 15e jour : En parlant du financement...

J-Cl. M. : L'enseignement supérieur, et singulièrement les universités, est financé essentiellement par le secteur public. Mais les Recteurs n'ont de cesse de nous dire que l'enveloppe n'est pas - vraiment pas - suffisante. Il me semble qu'il est temps de s'interroger sur ce financement qui provient exclusivement de la Communauté française, laquelle est aussi, rappelons-le, le "pouvoir organisateur" de l'ULg et de l'UMons.

Il me semble qu'il est temps de doter les universités officielles d'un véritable pouvoir organisateur indépendant des bailleurs de fonds, comme c'est le cas à l'ULB et à l'UCL (laquelle - et je le note avec satisfaction - a pris ses distances avec l'épiscopat). La Communauté française dans cette affaire devrait, à tout le moins, être accompagnée dans son rôle d'autorité. Par la Région wallonne peut-être, par une institution publique non communautaire ou que sais-je ? Les conclusions de la Table ronde apporteront peut-être des idées à ce sujet.

Le 15e jour : Où s'arrêteront les fusions ?

J-Cl. M. : Je vais déposer un projet de décret afin que l'intégration des écoles d'architecture dans les universités soit terminée avant la rentrée 2010-2011. A cet égard, je me réjouis que la logique géographique ait supplanté la logique philosophique puisque, par exemple, l'institut d'architecture Saint-Luc a rejoint l'ULg, en compagnie de l'institut Lambert Lombard. Cela correspond aux vœux des citoyens qui demandent un enseignement de qualité et une recherche respectueuse des règles éthiques. Ces fusions concernent cependant - comme ce fut aussi le cas de HEC ou de la Faculté universitaire des sciences agronomiques de Gembloux par exemple - des institutions "mono-discipline". Que faut-il faire avec les hautes écoles pluridisciplinaires ? Soit on laisse faire de façon "naturelle" soit le gouvernement décide de mettre un cadre : un groupe de travail de la Table ronde planche sur ce thème.

Le 15e jour : L'université ne risque-t-elle pas, à terme, de perdre son identité ?

J-Cl. M. : Pour moi, il n'y a pas de hiérarchie : les universités et les hautes écoles répondent à un besoin précis, à une demande du public. Tout ne se résout pas à l'université ! Même si je souhaite un paysage cohérent de l'enseignement supérieur, ce n'est pas pour la cause qu'il faut tout lisser. Au contraire, il faut sauvegarder les spécificités de chacune des filières tout en donnant à l'ensemble une image cohérente. L'objectif n'est donc pas d'unifier les formations mais, au sein d'une même structure peut-être, d'organiser des cursus différents. La prochaine expérience de l'intégration des instituts d'architecture dans les universités sera intéressante à cet égard.

Le 15e jour : Que pensez-vous des examens d'entrée dans les Facultés ?

J-Cl. M. : Par principe, je suis opposé à tout mécanisme de sélection à l'entrée des études. La formation délivrée dans les écoles du secondaire n'est pas uniforme, on le sait. Or, un étudiant en retard dans une matière en septembre peut le combler dans le courant de l'année. Etablir un examen d'entrée revient à lui refuser cette chance. Mais comment maintenir cet accès sans contrainte aux études supérieures tout en maintenant la qualité des formations et en luttant contre l'échec en première année ? J'espère là aussi que la Table ronde va me donner des pistes.

Je pense pour ma part qu'il faut impérativement renforcer la qualité de notre enseignement secondaire. Pourquoi ne pas généraliser un test pour les élèves qui souhaitent s'inscrire à l'université ? Non pas pour les dissuader d'entamer ces études, mais pour qu'ils s'auto-évaluent et, le cas échéant, prennent les mesures qui s'imposent. Le test existe. Pour l'instant, les élèves peuvent le passer sur base volontaire. Mais on pourrait envisager non seulement qu'il soit généralisé mais encore qu'il soit accompagné ensuite de mesures d'accompagnement afin d'aider au mieux le jeune à entreprendre des études supérieures.

Propos recueillis par Patricia Janssens

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