Pas de société organisée sans un minimum de rituel. L'université de Liège n'échappe pas à ce constat. En témoigne, notamment, la pratique des "leçons inaugurales", un temps abandonnée, avec laquelle la faculté de Droit renoue depuis plusieurs années. Occasion pour un large public - d'étudiants et d'anciens diplômés notamment - de faire connaissance avec les nouveaux membres du personnel académique qui viennent d'entrer en fonction.
Cette année, parmi d'autres leçons prévues pour la journée du 19 mars, figure celle d'Anne-Lise Sibony, intitulée "La porosité du droit : à propos des relations du droit avec d'autres disciplines". Cette chargée de cours en droit européen, qui codirige l'Institut d'études juridiques européennes "Fernand Dehousse" (IEJE), est convaincue que les seules techniques juridiques ne suffisent pas à faire de bonnes règles. « Le droit cherche à régir certaines situations. Or, pour le faire au mieux, il a un impérieux besoin de comprendre ces situations. D'où la nécessité de se tourner vers différentes sources de compréhension du monde, les sciences sociales en premier lieu », observe-t-elle.
Telle était déjà la préoccupation première qui avait irrigué sa thèse de doctorat, laquelle portait sur le juge et le raisonnement économique en droit de la concurrence. Ici, c'était évidemment la science économique qui offrait un prisme permettant au droit de regarder les faits appelés à être régis par les règles de concurrence. « Aujourd'hui, ajoute-t-elle, je suis en train de faire une recherche dans le domaine du droit de la consommation, champ d'investigation où c'est la psychologie sociale qui a un rôle essentiel à jouer. » De quoi débusquer "les pratiques commerciales déloyales", interdites par le droit européen. Encore faut-il s'entendre sur le libellé de la définition très générale qui les concerne. Et là, par une exploration de certaines techniques d'influence ou de manipulation en cours dans le marketing, il devient possible d'éclairer le magistrat chargé d'appliquer la loi et de rendre la justice.
On le voit, pouvoir tracer des chemins permettant de relier une règle générale à des faits particuliers est un souci majeur dans la démarche scientifique d'Anne-Lise Sibony. C'est dire la pertinence de ses travaux, en particulier en ce qui concerne les questions de preuve et d'expertise. Et cette ancienne élève de l'Ecole normale supérieure de Paris, diplômée en droit et en économie, titulaire d'un master en Regulation de la London School of Economics, d'insister sur son objet d'étude prioritaire, à savoir « la façon dont les connaissances issues d'autres disciplines peuvent être exploitées pour élaborer de meilleures règles de droit ». Porosité de bon aloi, donc.
Henri Deleersnijder
Leçons inaugurales Le vendredi 19 mars à 16h. |