Mars 2010 /192
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Penne de cœur

Et si, pour ses 150 ans, la penne redevenait la coiffe de tous les étudiants ?

penneIl est des événements qui paraissent bien anodins. Ce pourrait être le cas du 150e anniversaire de la penne (couvre-chef folklorique des étudiants liégeois) si ce jubilé n'était pas classé en septième position dans le plus connu des moteurs de recherche, sur base d'une simple requête "150e anniversaire". Un résultat qui précède les 150 ans de la chambre de commerce de Libramont, de la station balnéaire de Deauville et ceux de Raphael qui entonne en refrain : « Dans 150 ans, on ne s'en souviendra pas. » Faisant mentir cette dernière assertion du chanteur français, les comparses du fonds Jean-Denys Boussart ont décidé de célébrer en grande pompe la survivance de la casquette à longue visière que portent toujours les étudiants baptisés de l'ULg, après plus d'un siècle d'usage.

De la casquette à la penne

Créé en 2004 par des passionnés de folklore étudiant, ce fonds a repris le patronyme d'un Liégeois bien connu dans les milieux folkloriques et associatifs, mayeur de la Commune libre de Saint-Pholien-des-Prés, et qui œuvre depuis plusieurs décennies à la perpétuation ainsi qu'à la mémoire de ces traditions liégeoises. Notamment via une collection permanente d'images et de documents dans son musée virtuel du folklore estudiantin, sur internet.

Ce sont des archives débusquées par Michel Peters, licencié en histoire de l'université de Liège, qui permettent de conférer son âge à la penne. Le 24 mars 1860, un étudiant se plaint au Recteur de mauvais traitements que la police lui aurait fait subir alors qu'il se rendait au commissariat pour récupérer une veste confisquée à l'un des siens. Selon lui, son arrestation ainsi que les mauvaises dispositions du commissaire ne sont pas étrangères au fait qu'il ait oublié d'enlever... sa casquette. C'est un autre document, relevant du rapport de police et daté du même mois de l'année suivante, qui parle d'un "individu coiffé de la casquette d'étudiant" ayant entraîné une réunion de foule et des scènes scandaleuses place Saint-Lambert.

Reste alors à expliquer l'origine de cette longue visière qui différencie une simple casquette d'une véritable "penne". Selon Francis Balace, professeur honoraire de l'ULg, « la penne dérive peut-être de la casquette, par désir de choquer les bourgeois. Vers 1880 en effet, ceux-ci étaient terrorisés par une bande de pré-hooligans appelés "les Longues Pennes de Bressoux" qui affectaient d'orner leurs casquettes prolétariennes de visières démesurées, à l'instar de certains rôdeurs de barrière parisiens. » Parallèlement, en Allemagne, lors des fameux duels d'étudiants à l'épée, les seconds des combattants portaient une très longue visière sur leur casquette, pour se préserver d'un moulinet qui ne leur était pas destiné.

Uniforme officiel et folklorique

Combinant les deux, il est probable que, pour se donner une image de mauvais garçons, les plus bagarreurs ou chambardeurs des étudiants copièrent les "zoulous" de Bressoux et les Paukanten d'Allemagne en prolongeant leur casquette d'une visière ("penne" en wallon) qui pouvait également servir à préserver leur visage d'un coup de maquoir, la lourde canne accessoirisant l'étudiant et utilisée dans certaines bagarres d'origine galante.

Francis Balace et Michel Peters participeront à la conférence organisée le samedi 27 mars 2010 en compagnie de Philippe Raxhon, professeur à ULg, Roberto Martinez del Rio de l'université de Salamanque et Gian Paolo Brizzi de l'université de Bologne, autour des différents aspects du folklore étudiant. Le même jour, avant une expo banquet et une soirée de gala organisés, dans ce cadre, on parlera peut-être aussi de l'avenir de la penne. Pour assurer sa pérennité, ne serait-il pas judicieux de permettre également aux non-baptisés de la porter ? « Historiquement et folkloriquement, la limitation aux seuls comités de baptême ne se justifie pas. La penne est l'uniforme officiel et folklorique des étudiants. Tout comme les professeurs ont leurs toges, leurs épitoges et même, théoriquement, leur bonnet », répond Amaury Dillien, archiviste du fonds, tout en jugeant qu'un certain mérite n'est peut-être pas superfétatoire.

Fabrice Terlonge

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