Avril 2010 /193
Avril 2010 /193

Traduire sans trahir

Colloque international en mai

Fourchelang”, “cracmol” ou “moldus”. Autant de néologismes familiers aux fans de l’univers d’Harry Potter qui témoignent de l’inventivité de l’œuvre de J.K. Rowling. Pourtant, derrière ces expressions nouvelles se cache un traducteur qui a su contourner la barrière de la langue, et ce pour réellement inventer lui aussi un nouveau mot qui conserve le sens de l’original.

Responsabilité

« En traduction, on doit constamment résoudre des problèmes insolubles, observe Christine Pagnoulle, du département de langues et littératures modernes. Il faut sans cesse ruser, contourner, jouer avec les mots pour qu’un texte traduit conserve tout son sens dans une autre langue. » Un défi de taille où frustration et motivation se côtoient. « La différence entre deux langues élève toujours une barrière entre le texte original et le lecteur qui pense dans une autre langue. Cela demande une vraie gymnastique de l’esprit pour rendre justice à un texte malgré le passage par la traduction. »

Et si de grands textes appellent de grands traducteurs, il arrive fréquemment que certaines traductions soient, en fin de compte, meilleures que l’original. « Les traducteurs sont aussi des auteurs. Il faut être sensible à la musique des mots, à leur mélodie. Une bonne traduction arrive à faire chanter le texte. » Si la traduction littéraire est la plus visible, traduire pour l’édition n’est qu’une petite partie du métier de traducteur. « Lorsqu’il s’agit de traduction technique, médicale, juridique, la plus grande rigueur est requise », prévient Christine Pagnoulle. Outre sa passion pour les langues et son sens littéraire, un traducteur doit en effet faire preuve d’une vigilance de tous les instants. En droit, par exemple, une virgule mal placée peut entraîner un contresens; dans une notice pharmaceutique, une posologie mal traduite peut engendrer de graves conséquences. « Le traducteur a une lourde responsabilité, d’autant qu’il doit en général travailler très vite. La gestion du stress est un facteur important. »

Casse-tête japonais

Pour Kanako Goto, docteur en langues et lettres et assistante au sein du nouvel Institut de japonais de l’ULg, la traduction représente avant tout un questionnement permanent sur sa propre langue : « Traduire, c’est avant tout un travail sur sa langue maternelle, sa propre culture. Une langue véhicule toujours une vision du monde et il faut parfois la mettre en perspective pour pouvoir rester fidèle au sens d’un texte, malgré l’épreuve de la traduction. » Et quel défi de traduire un texte du français vers le japonais alors qu’il n’existe parfois aucun équivalent à certains mots ou expressions… « La structure même de la langue est fondamentalement différente ; il s’agit donc pour le traducteur d’arriver à transmettre le sens général du récit au lecteur car, en définitive, il ne faut pas oublier qu’on traduit avant tout pour lui. C’est presque un contrat moral qui nous lie. »

Traducteur ? Un métier qui soulève une multitude de questions dont certaines seront abordées – en partie – du 6 au 8 mai prochain à l’occasion du colloque “Traduire la diversité”, co-organisé par l’université de Liège et la Haute Ecole de la ville de Liège. Pendant deux jours, des chercheurs venus de nombreuses universités étrangères s’attarderont spécifiquement sur la traduction dans les domaines littéraire, juridique et des sciences de la vie.

François Colmant

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