Avril 2010 /193
Avril 2010 /193

Une salle de fêtes ?

Le point de vue du Recteur sur la guindaille

RentierBernardDepuis plusieurs années, les étudiants de Liège demandent de pouvoir bénéficier d’une “salle de fêtes” comme leurs homologues de Bruxelles ou de Namur. La requête est déposée chaque année sur le bureau du bourgmestre mais elle a resurgi brutalement il y a quelques semaines, lors d’un accident tragique. Rencontre avec le recteur Bernard Rentier sur cette question délicate.

Le 15e jour du mois : A l’heure où les étudiants recherchent activement un lieu de guindaille fixe pour remplacer leur chapiteau provisoire, proposez-vous toujours de chercher une solution au Sart-Tilman ?

Bernard Rentier : Je comprends que l’on peste contre le Sart-Tilman car le problème du retour, dans la nuit, est réel. Les étudiants regrettent également le caractère exclusivement universitaire du lieu alors que les jeunes des Hautes Ecoles participent également au folklore. Pourtant, deux guindailles [bals des bleus et des moflés, ndlr] et l’Unifestival ont lieu là-bas chaque année, ce qui montre la faisabilité de ma proposition. D’autant que je suis toujours prêt à négocier avec le TEC pour essayer d’adapter l’offre de bus les soirs de festivités. Reste que si j’apprends un jour que des étudiants ont été gravement accidentés au retour de festivités, je serais vraiment très mal et tout le monde trouvera alors que le risque était patent. Hélas, le “risque zéro” et la prévention à 100 % n’existent pas. Et puis on doit pouvoir boire sans en arriver au coma éthylique… Le fait d’aider à trouver un lieu de guindaille n’est en aucun cas un encouragement institutionnel, mais une simple volonté de faire en sorte qu’il n’y ait ni noyades ni comas.

Le 15e jour : N’avez-vous pas également un problème d’interlocuteurs entre des comités Agel passagers et d’autres associations qui n’ont pas de lien direct avec l’Université ?

B.R. : J’entends parler d’associations extérieures et de professionnels qui ont leurs intérêts et qui décident de faire des choses pour les étudiants. Mais personne n’est jamais venu me les présenter… A partir du moment où des associations se créent et qu’elles n’ont pas besoin de prendre rendez-vous avec moi, c’est qu’elles sont assez grandes pour fonctionner toutes seules. J’entends cependant des voix pour réclamer que les associations d’étudiants soient un peu plus cadrées. Et je ne suis pas contre un peu de cadrage. Par ailleurs, si l’on évoque le financement d’un bunker de guindaille par un marchand de bière, c’est hors de question dans mes locaux. En dehors, je n’ai pas à m’y opposer.

Le 15e jour : Une solution pourrait-elle venir du conseil de la vie étudiante ?

B.R. : Pour le moment, il se met toujours en place et ce sont les étudiants du conseil d’administration de l’Université qui décident qui y vient. Ils sont bien sûr libres d’y inviter qui ils veulent. La suggestion d’y entendre les organisateurs de fêtes estudiantines est bonne.

Le 15e jour : Vous évoquez de temps en temps le fait d’avoir vous-même été baptisé lorsque vous étiez étudiant à l’ULg. Quel est votre meilleur souvenir ?

B.R. : A l’époque, ce n’était pas très structuré : je ne peux pas revendiquer d’avoir été baptisé avec un comité. Il s’agissait d’une soirée informelle incluant de soi-disant épreuves dont on ne se souvenait plus guère le lendemain. Mais nous étions dans la mouvance de Mai 68 où la guindaille était perçue comme une décadence de droite. Si je ne portais pas la penne, je participais à la Saint-Nicolas et à la Saint-Torè. Le jeu, à l’époque, consistait à essayer de forcer le cordon de police installé devant l’école des Bénédictines. Nous allions évidemment devant les écoles de filles par souci de provocation, dans un esprit de confrontation. Et le jeu aurait été nettement moins intéressant s’il n’y avait pas eu de cordon de sécurité…

Le 15e jour : Donc, vous êtes plutôt favorables aux baptêmes ?

B.R. : Je comprends tout à fait que l’on puisse organiser des festivités. Je suis simplement opposé à toute humiliation, même théâtrale. Je pense, par exemple, aux “gueules en terre” place du 20-Août que je juge un peu décadentes. Mais cela me paraît acceptable lorsqu’il s’agit d’un jeu de rôles consenti. Cela dit, il serait inadmissible qu’il faille y souscrire pour avoir accès à des notes de cours ou à des stages, a fortiori avec une éventuelle complicité du personnel encadrant. Il y a des sanctions à la clef lorsque l’on prive les étudiants de leurs droits élémentaires.

Le 15e jour : On pense directement à  la Société générale des étudiants de la faculté de Médecine vétérinaire…

B.R. : La Générale a cette réputation et elle ne peut pas nier que cela a été le cas auparavant. Mais ses responsables me disent que cela n’a plus cours. J’en prends acte. On verra donc si je continue à recevoir du courrier ou des réactions de la part de parents ou d’étudiants qui se plaignent de discrimination vis-à-vis des non-baptisés. J’ai l’intention de mener une enquête, en faisant bien sûr la part des choses entre les éventuels faux prétextes pour justifier un échec et les attitudes de ceux qui, ayant passé l’épreuve, sont évidemment pour la perpétuation du système.

Propos recueillis par Fabrice Terlonge
Photo : Tilt-ULg

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