Mai 2010 /194
Mai 2010 /194

Un développement très durable

150 ans de recherche agronomique et d’ingénierie biologique à Gembloux

En 150 ans, Gembloux s’est imposé comme un véritable pôle d’expertise dans le domaine des sciences agronomiques et de l’ingénierie biologique, grâce au développement des enseignements et des recherches menées à la Faculté. La petite cité namuroise prolonge ainsi un rayonnement culturel entamé un millénaire plus tôt, lors de la fondation d’une école monastique et de l’édification d’une abbaye et d’une église abbatiale. Un emplacement choisi, non seulement en raison de sa position stratégique le long de la chaussée romaine et de la proximité d’un cours d’eau, mais également en raison de la fertilité des terres.

Ce patrimoine immobilier exceptionnel, entouré de dizaines d’hectares des meilleures terres du pays, était l’endroit rêvé pour fonder en juillet 1860 l’Institut agricole qui dispensa très tôt une formation en trois ans. A la fin du XIXe siècle, une quatrième année d’étude facultative est instaurée afin de permettre aux ingénieurs agricoles de se spécialiser en sciences forestières, en sciences chimiques agricoles ou en sciences agronomiques. Tout en restant ancré dans les terres limoneuses qui l’ont vu naître, l’Institut diversifie alors ses recherches et s’intéresse également aux régions tropicales. Rapidement, sa réputation dépasse les frontières pour s’implanter durablement dans les pays du Sud, où de nombreuses activités de coopération sont mises en route, principalement en Afrique centrale mais également en Amérique du Sud.

Signe d’une adaptation aux évolutions scientifiques, académiques et sociétales, le nom de l’Institut agricole évolue : devenu Institut agronomique de l’État en 1920, il acquiert le titre de faculté des Sciences agronomiques de l’Etat en 1965, et de faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux en 1994. Dix ans plus tard, un rapprochement avec l’université de Liège s’esquisse lors de la création de l’Académie Wallonie-Europe et c’est en octobre 2009 que la faculté de Gembloux, officiellement intégrée à l’ULg, devient Gembloux Agro-Bio Tech.

« Les ressources vivantes :
un défi pour le futur »

Récemment élu vice-Recteur, le Pr Eric Haubruge voit l’avenir en vert… bien entendu. S’il s’inscrit dans la tradition de l’institution, il entend résolument privilégier deux domaines de recherche : les ressources vivantes et l’environnement d’une part, les bioproduits de l’autre. 
Et ce, dans une approche respectueuse du développement durable. « Si la communauté scientifique s’accorde maintenant sur le constat des modifications du climat, peu de recherches concernent le développement de modèles prévisionnels des effets de ce changement sur les écosystèmes, expose le Pr Haubruge. Or, comprendre les interactions entre le climat, le sol, l’eau et la plante sous l’angle du changement climatique me paraît primordial. » Car le climat est un facteur déterminant de la régulation des systèmes végétaux : l’agriculture sera forcément affectée par l’altération des systèmes agricoles et par les modifications du contexte dans lequel elle devra déployer des stratégies d’adaptation.

« Nous devons placer la plante au centre de toutes nos préoccupations, affirme le vice-Recteur. Nous devons savoir comment elle va se développer en cas de sécheresse ou d’inondations fréquentes, comment elle résistera à une invasion d’insectes. Nous devons mieux connaître notre production agricole : qui sait aujourd’hui si le blé ou la betterave seront encore cultivables dans nos contrées si la température moyenne s’élève de deux degrés ? Et comment fera-t-on face aux plantes invasives qui profiteront de ce réchauffement pour proliférer chez nous ? » Verra-t-on nos coteaux se parer de vignes et nos jardins se peupler d’oliviers ? « Nous devons également concevoir des méthodes alternatives pour notre agriculture qui devra, dans un proche avenir, nourrir les habitants de la Terre sans engrais ni pesticides », poursuit Eric Haubruge.

Afin d’étudier la plante dans un milieu naturel changeant – inondé, asséché, pollué, envahi de bactéries ou d’insectes – la Faculté a décidé de faire construire un “Ecotron”. « Il s’agit d’un modèle d’écosystème incluant des plantes, des animaux et des micro-organismes, modèle conçu de manière à reproduire de façon simplifiée le monde réel », explique le vice-Recteur. Grâce à cet équipement remarquable – financé sur fonds propres –, les chercheurs pourront d’étudier l’influence de stress biotiques et abiotiques (notamment les changements climatiques) sur les écosystèmes. « Ces nouvelles plateformes technologiques s’élèveront sur le site de Gemboux en 2013-2014, s’enthousiasme le Pr Haubruge, et je sais déjà que plusieurs chercheurs du Sart-Tilman sont très intéressés par ce nouvel outil. »

“Une alimentation saine :
une priorité pour les consommateurs”

Autre axe de recherche prioritaire pour les prochaines années : le duo alimentation et santé. « Les bienfaits d’une alimentation saine dans la prévention des maladies comme l’obésité, le diabète ou les cancers sont désormais connus des consommateurs, lesquels exigent de plus en plus souvent des produits “meilleurs pour votre santé” », observe le Pr Eric Haubruge. Ces tendances alimentaires invitent aussi le public à consommer des aliments enrichis en nutriments.

Les recherches sur les aliments, la nutrition et la santé deviennent dès lors indispensables et la mise à disposition de molécules à haute valeur ajoutée sur le marché pharmaceutique, alimentaire ou énergétique, est à présent un objectif pour les chercheurs qui bénéficient à Gembloux d’un équipement spécifique. « Concevoir une margarine avec de l’Oméga 3 ou des anti-oxydants, imaginer une crème-glace qui ne fond pas, un chocolat résistant à la chaleur : tout cela nécessite un savoir-faire dont nous disposons », affirme le Pr Haubruge. Coordonné par le Pr Michel Paquot, le pôle Technose dédié au bio-raffinage végétal s’attelle ainsi pour le moment à la valorisation de molécules obtenues à partir de polysaccharides (les prébiotiques), lesquels suscitent le développement des micro-organismes bénéfiques dans notre intestin et participent ainsi à notre bonne santé. Ces recherches s’intègrent dans des travaux sur la valorisation optimale des agro-ressources, tant pour le secteur alimentaire que pour la production d’énergie de deuxième génération et la chimie verte.

Centrée sur l’homme et les ressources vivantes dans leur environnement, la formation des bio-ingénieurs s’inscrit clairement dans l’optique du développement durable. Une volonté que le vice-Recteur veut aussi concrétiser sur le campus. C’est ainsi qu’en plus des toitures végétalisées qui fleuriront bientôt, il a eu l’idée de proposer aux étudiants un “kot à projet zéro émission”. Ce projet associe les bio-ingénieurs (qui réfléchissent à la conception de l’immeuble répondant à cette contrainte énergétique) et les ingénieurs-architectes de l’ULg qui doivent, pour le mois de septembre, réaliser un prototype. Last but not least, la Faculté se prépare à accueillir dès la rentrée prochaine un nouveau master en architecture du paysage, organisé en partenariat avec l’Ecole supérieure des arts visuels de La Cambre. « Le programme des cours de cette filière a été entièrement repensé, explique le vice-Recteur. Car demain, l’architecte paysager devra aussi penser la ville et la façon d’intégrer le vivant en ville. Non pas uniquement dans un souci esthétique mais bien dans une optique énergétique, voire alimentaire. » Ramener de mini-potagers en ville ? Les chercheurs y réfléchissent.

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Quand l’art touche à la science


10 000 m2, 2500 tonnes de sable, 15 tonnes de verre, 50 ancres et un mat de bateau. Didier Mahieu expose une centaine d’œuvres sur le campus de l’ULg à Gembloux. Un événement hors norme inspiré par les défis majeurs auxquels est confrontée notre planète.

Pour marquer son 150e anniversaire, Gemboux Agro-Bio Tech a décidé de créer la surprise en accueillant une manifestation d’envergure. Didier Mahieu, artiste en résidence depuis un an, a rencontré les scientifiques du lieu et s’est immergé dans leurs problématiques. “Scaphandre. Quand l’art touche à la science” est le résultat de ces rencontres, de ces discussions, de ces regards croisés. En associant l’art plastique au travail scientifique, Didier Mahieu interroge notre époque. Il met en scène la fonte des glaces, la désertification, les inondations, symbolise l’infiniment petit et les OGM ainsi que la raréfaction des ressources. Métaphore de la fugacité, de la destruction, il utilise le champignon, également intéressant pour les chercheurs et quand il évoque Icare, ce nom résonne avec pertinence dans le monde scientifique. Par l’éphémère, la poésie et le voyage, l’artiste pose les questions. Aux chercheurs d’y répondre…

Page réalisée par Patricia Janssens (avec le concours de Quanah Zimmerman)

Exposition “Scaphandre”, du 18 mai au 31 juillet,
commissaire Willy Van den Bussche,
sur tout le campus de Gembloux Agro-Bio Tech.
Informations sur le site www.scaphandre.be

Voir aussi la vidéo sur la WebTV-logo-H50vid-Scaphandre

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