Mai 2010 /194
Mai 2010 /194

L’alibi de l’honneur

Quand la violence se maquille

Quotidienne, la violence faite aux femmes n’en est pas moins révoltante. Dans certains coins du globe, il arrive même que des crimes soient commis au nom de l’honneur, afin de préserver celui de l’individu, celui de la famille ou celui d’une communauté dans sa totalité. Cette forme de violence sévit-t-elle en Wallonie ? C’est la question que posera le centre “Synergie des femmes de Wallonie du Conseil des femmes francophones de Belgique” au cours d’un colloque qui se tiendra le 11 juin prochain.

En Angleterre, en Suède ou aux Pays-Bas, la violence liée à l’honneur a déjà fait l’objet d’études scientifiques. D’après des chercheurs néerlandais, « la violence liée à l’honneur englobe toute forme de violence mentale ou physique perpétrée au départ d’une mentalité collective en réaction à une (menace d’) atteinte à l’honneur d’un homme ou d’une femme, et donc de la famille de celui / celle-ci, [parce que] (…) le monde extérieur est, ou risque d’être, au courant »*. Une définition qu’a faite sienne Judith Duchêne.

Cette assistante au service de criminologie à l’ULg mène pour l’instant – avec l’aide de deux étudiants en master – une étude sur les “ violences liées à l’honneur et mariages forcés en Wallonie”. Un sujet délicat et difficile à appréhender tant les sources font défaut. « Nous ne disposons d’aucune statistique de police, déclare-t-elle, car la catégorie “violence liées à l’honneur” n’existe pas encore en Belgique et n’est donc pas répertoriée comme telle. » Les témoignages directs sont difficiles à recueillir et pourtant, dans certains plannings familiaux, associations d’aide aux victimes ou écoles parfois, les confidences affleurent et divulguent une réalité en pointillé : certaines jeunes filles craignent la violence de leurs proches. Et le sort de Sadia est encore dans toutes les mémoires : « Cela s’est passé près de Charleroi en 2007, explique Judith Duchêne. Sadia a osé braver l’autorité de ses parents en refusant une proposition de mariage. Elle en est morte. » La justice fera prochainement la clarté sur les responsabilités exactes de chaque acteur dans ce drame.

Si l’on suit Karima, auteur du livre Insoumise et dévoilée et fondatrice d’une asbl du même nom à Verviers, les cas de violence intrafamiliale sont fréquents. Et c’est à la fois pour mesurer la prévalence de ces violences et pour comprendre les dynamiques qui peuvent les faire émerger que Judith Duchêne a décidé de concentrer ses premières recherches sur l’étude approfondie d’une communauté turque à Verviers. Sans a priori.
   
Pa.J.

* H. B. Ferwerda et I. Van Leiden, “Eerwraak of eergerelateerd geweld ? Naar een werkdefinitie”, Advies-en Onderzoeksgroep Beke, avril 2005, p. 25.

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