Un film de Benoît Delepine et Gustave Kerven, 2010, France-Belgique, 1h32.
Avec Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Benoît Poelvoorde, Isabelle Adjani, Miss Ming, etc.
A voir aux cinémas Churchill, Le Parc et Sauvenière.
Serge Pilardosse touche avec beaucoup de respect le jambon qu’il va trancher pour la dernière fois. Aujourd’hui, ses collègues de l’abattoir organisent une petite fête pour son départ à la retraite : Serge a 60 ans. Depuis l’âge de 16 ans, il travaille sans répit, mais au service social, on lui annonce qu’il lui manque des bulletins de salaires pour percevoir sa retraite. Certains employeurs auraient oublié de le déclarer ! Serge va enfourcher sa vieille moto, une Mammuth des années 1970 qui lui vaut d’ailleurs son surnom, pour chercher ses papiers administratifs manquants. Un périple nostalgique sur le passé d’un homme qui se cherche un avenir.
Quatrième film pour ce couple de scénaristes et réalisateurs, Mammuth a d’Aaltra la forme du road movie symboliste, d’Avida son aspect poétique et de Louise-Michel, sa revendication sociale. Mammuth, c’est l’histoire d’un homme qui est confronté à la brutalité du monde du travail et de l’enfer administratif. Du moins, c’est ce qui fait partir Serge sur les routes. Mais lors de son voyage, il va retrouver la liberté et redonner un sens à sa vie. Sa retraite devient une cure de jouvence.
Esthétiquement, Mammuth est d’un anachronisme sublime. Tourné en 8 mm dans un noir et blanc transformé en couleurs, les images prônent la beauté insoupçonnée et fantastique de la marginalité, de l’absurde et du quotidien. Les cadres sont des tableaux qui nous plongent dans un monde ouaté et hors du temps. Parce que plus que dans une esthétique, c’est dans un “ailleurs” que nous sommes plongés, lequel définit les fondements d’un cinéma radicalement en marge des productions actuelles. Un cinéma qui loue l’élégance de l’excentricité, qui cultive les imperfections, un cinéma réaliste, poétique, onirique, surréaliste, instinctif, trash, piquant, brut, mystérieux, pur, doux-amer.
Et pour servir cette œuvre atypique, il y a d’abord un inattendu et impudique Gérard Depardieu aux longs cheveux blonds qui rappellent de dos la carrure d’un Mickey Rourke dans Wrestler. A ses côtés, l’unique Yolande Moreau qui, une nouvelle fois, excelle. Quant aux rôles secondaires (Adjani, Poelvoorde, Annegarn, Godin), ils sont aussi profonds que brefs; ils nous livrent ici une sincérité brute et naïve qui font presque croire qu’ils font leurs premiers pas devant une caméra. Mammuth est à la fois d’une épaisseur humaine et d’une fragilité bouleversante, mais c’est surtout une expérience cinématographique à des années-lumière de ce qui se fait aujourd’hui.
Christelle Brüll
Si vous voulez remporter une des dix places (une par personne) mises en jeu par Le 15e jour du mois et l’asbl Les Grignoux, il vous suffit de téléphoner au 04.366.52.18, le mercredi 19 mai de 10 à 10h30 et de répondre à la question suivante : quel réalisateur finlandais inspire les films de Benoît Delepine et Gustave Kerven ?