Mai 2010 /194
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Partager le savoir

Apporter au grand public une véritable culture scientifique

CultureScientifiquePourquoi et comment, dès le début du XIXe siècle, les scientifiques ont-ils ressenti le besoin de communiquer aux masses les avancées de leur savoir ? C’est à ces questions que le Centre d’histoire des sciences et des techniques* de l’ULg tente de répondre à travers l’exposition “Partager le savoir”. Rencontre avec Geneviève Xhayet, directrice adjointe du centre fondé par Robert Halleux, membre de l’Institut.

Le 15e jour du mois : Comment est née l’idée de cette exposition ?

Geneviève Xhayet : Dans un premier temps, nous voulions mettre en valeur une collection de livres de vulgarisation scientifique du XIXe siècle. Très vite, nous nous sommes aperçus qu’à l’époque, la première finalité de la vulgarisation était de faire connaître les sciences et de les intégrer dans une culture encore classique et littéraire. Par ailleurs, l’élite de la nation a essayé d’attirer les jeunes vers la science : la révolution industrielle avait besoin de bras et de cerveaux. Au-delà de ces deux finalités encore destinées à une élite sociale éduquée, ces ouvrages démontrent également l’émergence d’un effort probablement nouveau dans l’histoire, celui d’instruire l’ensemble de la population : les “gens du monde”, dont les dames, les enfants et les adolescents, mais aussi le monde rural et ouvrier. Les démarches de diffusion des connaissances vers ce nouveau public constituaient une problématique très intéressante pour un historien. Nous avons de surcroît été frappés par la richesse de ce qui s’est fait à cette époque et par cet effort quasi missionnaire de porter le savoir partout.

Le 15e jour : Vous vous êtes principalement intéressée à la vulgarisation dans le bassin liégeois ?

G.X. : Oui. D’une part, pour des raisons pratiques puisque les documents dont nous disposons sont essentiellement locaux, mais aussi parce qu’on s’est aperçu que la région, qui fut un moteur dans l’industrialisation de la Wallonie, s’est aussi révélée pionnière dans le souci d’éduquer les masses populaires. C’est explicable par le fait que Liège était un centre intellectuel. D’autre part, dès le début du XIXe siècle, Liège dispose d’une université et d’une bourgeoisie libérale importante, progressiste, qui a influencé ce mouvement. L’étude de notre région est une première amorce de la recherche, mais nous souhaitons étudier d’autres thématiques et appréhender d’autres régions.

Le 15e jour : Comment la vulgarisation scientifique a-t-elle évolué ?

G.X. : Aujourd’hui, la science évolue extrêmement vite. D’excellentes initiatives de vulgarisation voient le jour, mues par une même motivation, celle d’inciter les jeunes à faire des sciences et celle d’apporter au grand public une véritable culture scientifique. Dans la mesure où nous sommes en permanence confrontés à des problèmes d’ordre scientifique – en médecine ou dans le domaine de l’environnement, par exemple –, mieux vaut être informés pour se forger une opinion. La vulgarisation s’est modifiée grâce, entre autres, à l’apparition des nouveaux médias. Mais également parce qu’elle est pensée différemment aujourd’hui.

Jadis, les scientifiques avaient le sentiment de détenir le savoir et de le transmettre à des gens qui ne l’avaient pas. La méthode était volontiers ludique, amusante, distrayante. Mais sur le fond, le savoir était imposé. On n’enseignait pas l’esprit critique et rien ne laissait entendre que le savoir pouvait être relativisé, voire contredit. Le savoir scientifique remplaçait en quelque sorte le dogme religieux. Mais chaque famille de pensée avait sa petite idée de la science et les arrière-plans idéologiques n’étaient pas absents. C’est une question que l’on peut encore se poser aujourd’hui.

Propos recueillis par Philippe Lecrenier

Voir aussi l’article sur le site www.culture.ulg.ac.be.
* En collaboration avec le Centre d’action laïque, l’Institut liégeois d’histoire sociale, l’Institut d’histoire ouvrière, économique et sociale.

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