Octobre 2010 /197
Octobre 2010 /197

Le sens du bien commun

Création d’une filière en management des entreprises sociales

La plupart des grandes écoles de gestion en Europe proposent des cursus sur le management des entreprises sociales. Ce n’était pas le cas en Communauté française Wallonie-Bruxelles, mais notre Alma mater a pris les devants : HEC-ULg offre à présent la possibilité de choisir une telle orientation.  Il était temps !

Un secteur en plein essor
« L’importance économique croissante des entreprises sociales (10% de l’emploi en Belgique) justifie que ce courant novateur soit étudié dans les écoles de gestion », explique le Pr Jacques Defourny, directeur du Centre d’économie sociale (CES). La réforme menée à HEC-Ecole de gestion de l’ULg a ainsi été l’occasion de créer, parmi les six filières du master en sciences de gestion, une orientation “management des entreprises sociales”.

La décision – si elle n’allait pas nécessairement de soi dans une Business School  – résulte aussi de l’intérêt grandissant pour ce type d’entreprises manifesté à la fois par les consommateurs et par les étudiants.

L’opinion publique s’interroge en effet aujourd’hui davantage sur la légitimité du profit maximum à court terme au détriment des personnes, s’inquiète de l’environnement, etc. Les excès du capitalisme – en témoignent les crises bancaire et financière récentes – ont provoqué une méfiance, voire un malaise dans la population… et chez les jeunes.  La volonté de réconcilier les objectifs classiques de l’entreprise avec un certain sens du bien commun s’affirme de plus en plus. « Les entreprises sociales ont l’ambition de conjuguer l’économique, le social et l’environnemental, expose Jacques Defourny. Tout en veillant à assurer leur viabilité économique, elles accordent la priorité à des objectifs sociétaux. Elles sont actives dans les services aux personnes, l’éducation, la culture, le développement durable, la coopération au développement, le commerce équitable, l’insertion professionnelle,  etc. » Par ailleurs, de plus en plus d’entreprises “traditionnelles” entendent intégrer des préoccupations sociales et environnementales dans leur activité : il devient dès lors urgent de fournir aux étudiants les outils pour travailler à la concrétisation de cette responsabilité sociale des entreprises (RSE), et ce au-delà des bonnes intentions déclarées.

Pour la direction de HEC-ULg, c’était aussi l’occasion d’affirmer une cohérence au sein de ses “pointes d’excellence”. Alors que le Centre d’économie sociale rayonne sur la scène internationale et héberge la coordination du Réseau européen Emes sur l’entreprise sociale, alors que le Ciriec s’est taillé une solide réputation dans le domaine de l’économie publique et de l’économie sociale, les programmes de formation intégraient peu ces thématiques.

« Notre pari est d’attirer une petite proportion d’étudiants en gestion, ceux qui ont envie de conjuguer de solides compétences dans leur discipline avec un vrai souci des enjeux de société comme la coopération Nord-Sud, la finance éthique, les circuits alternatifs de la culture, la production d’énergie verte, etc. », poursuit le professeur. Les entreprises d’économie sociale (souvent des coopératives ou des asbl) ont besoin de jeunes dirigeants capables de décliner les méthodes de gestion en fonction de leurs spécificités. C’est l’objectif du nouveau master qui s’étalera sur deux ans.

Débouchés multiples
La première année, consacrée principalement aux matières communes à l’ensemble du master en sciences de gestion, comportera néanmoins 15 crédits spécifiques à la spécialité choisie. La proportion s’inversera au cours de la seconde année : 45 crédits seront octroyés à la spécialité, y compris un stage en entreprise sociale et un mémoire. « Nous avons d’excellents contacts avec les entreprises et fédérations d’économie sociale qui nous connaissent de longue date et qui pourront, j’en suis certain, proposer des stages intéressants débouchant ensuite sur un mémoire bien encadré », conclut Jacques Defourny. Quant aux débouchés, ils sont variés : managers d’entreprises sociales, porteurs de projets “RSE” au sein d’entreprises traditionnelles, experts au sein d’agences-conseil ou d’institutions soutenant l’économie sociale, entrepreneurs sociaux lançant leur propre activité, etc. De quoi faire ses gammes pour des métiers passionnants.

Patricia Janssens
Photo : © Marianne Snackers

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