Novembre 2010 /198
Novembre 2010 /198

Urgence ?

Pléthore d’étudiants en faculté de Médecine

727, 164, 147. Tiercé gagnant ? Non. C’est le nombre d’étudiants inscrits à la date du 18 octobre respectivement en première année médecine, dentisterie et kinésithérapie. Sans évoquer le nombre de pharmaciens, il est clair que la faculté de Médecine est une nouvelle fois prise d’assaut, à l’université de Liège et dans les autres institutions universitaires. « Ces chiffres représentent une augmentation de 30% par rapport à 2009, relève le doyen Gustave Moonen, alors qu’on avait déjà connu précédemment une augmentation de 26 % (médecine) et de 40 % (sciences dentaires). » La courbe filera-t-elle à la hausse ? C’est à craindre… et cela inquiète grandement les professeurs de la Faculté.

La santé, valeur cardinale

Les jeunes désertent-ils les matières plus techniques, ou moins en vogue, pour se réorienter vers les sciences de la santé ? Certains sociologues avancent cette analyse. Le Pr Jean-François Guillaume, de l’Institut des sciences humaines et sociales, évoque pour sa part le nouvel attrait d’une profession médicale qui a bien changé et permet – davantage qu’hier – de conjuguer vie professionnelle et vie privée. « Certes, admet le Doyen, ces éléments interviennent dans le succès de notre formation mais je pense que l’absence de limitation des inscriptions est certainement le facteur majeur qui explique ce “tsunami estudiantin’’. Il constitue à l’évidence la raison de l’accroissement du nombre de Français (+32% en dentisterie, +12% en médecine). » Quelles que soient les raisons, l’évidence saute aux yeux : en première année, tous les cours dispensés en faculté de Médecine affichent “complet”.

Cette affluence a évidemment des conséquences très concrètes sur l’activité des enseignants, lesquels ont spontanément proposé de dédoubler leurs cours, entraînant dans l’aventure – bénévole, cela va sans le dire – assistants, techniciens et autres agents administratifs concernés. « Dans l’urgence, confirme le Pr Moonen, ils ont pris des décisions favorables aux étudiants et fait preuve d’un sens civique auquel je veux rendre hommage. »

Face à la situation, les Recteurs et Doyens des cinq facultés de Médecine de la Communauté française de Belgique (UCL, ULB, ULg, FUNDP, UMons) ont tiré la sonnette d’alarme et rencontré séance tenante le ministre de l’Enseignement supérieur, Jean-Claude Marcourt. Celui-ci a décidé – à la grande satisfaction des Recteurs – d’accorder en janvier 2011 une enveloppe (ponctuelle) de trois millions d’euros à l’ensemble des facultés de Médecine. De quoi parer au plus pressé.

Et demain ? Logiquement, un accroissement significatif du nombre d’étudiants en première année laisse présager un afflux identique les années suivantes. « Comment organiserons-nous les travaux pratiques ? Comment garantir des stages à l’hôpital pour tous les candidats ?, s’inquiète le Pr Moonen. Nous ne voulons pas d’une formation au rabais : notre responsabilité à l’égard des jeunes, mais aussi à l’égard des citoyens, est d’assurer une formation d’excellence. Si 164 jeunes choisissent la profession de dentiste, nous devons leur garantir un cursus impeccable. Pour ce faire, nous avons besoin d’un personnel qualifié et d’équipements adéquats. »

Vers une sélection à l’entrée

Va-t-on vers l’organisation d’un examen d’entrée comme dans les autres pays européens ? « C’est le souhait des Doyens, reprend Gustave Moonen. Nous avons déjà proposé une formule qui en cas de réussite permettrait à l’étudiant de s’inscrire en première année et, en cas d’échec, l’orienterait vers une année propédeutique. L’instauration de cet examen est, dans notre esprit, conditionnée à la suppression du numerus fédéral. Mais cette proposition n’a pas été retenue à l’époque par le Conseil des recteurs francophones. »

Récemment, le recteur Bernard Rentier – qui parie sur l’autorégulation de l’accès aux études de médecine – a proposé d’organiser un test permettant à chaque futur étudiant de s’évaluer. « Ce test doit être validé et fiable, lit-ton sur son blog. Il doit également se prolonger, pour ceux qui ne le réussissent pas, par une offre de remise à niveau adaptée à l’amplitude du déficit. Une telle approche est très coûteuse, on le comprend, mais nous sommes décidés, avec les moyens nouveaux, à la mettre en œuvre. »

Patricia Janssens

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