Novembre 2010 /198
Novembre 2010 /198

Au-delà du cinéma

Un autre regard sur l’œuvre de Luis Buñuel

Souvent présenté comme un monstre sacré du cinéma, le réalisateur espagnol Luis Buñuel, décédé en 1983, a une influence qui va bien au-delà de ses productions cinématographiques. Le plus souvent, ce sont les inspirations théologiques, picturales ou surréalistes qui ont jalonné ses œuvres qui sont mises en avant, tant et si bien qu’on en oublierait presque leur ambiguïté profonde, à savoir leur dialectique et la source d’inspiration qu’elles ont pu représenter pour de nombreuses disciplines. Comme l’indique d’emblée Achim Küpper, chargé de recherches FNRS à l’ULg et un des instigateurs du colloque consacré au réalisateur : « Si Luis Buñuel est devenu un grand cinéaste, c’est d’abord parce qu’il a été plus qu’un cinéaste. »

Le ton est donné et, à travers trois journées d’étude organisées les 1er, 2 et 3 décembre prochains, intitulées “Luis Buñuel, au-delà du cinéma’’, les organisateurs souhaitent jeter un regard tout autre sur cet artiste complexe qu’est le réalisateur espagnol, un point de vue jusqu’à présent trop souvent négligé. « On a beaucoup accentué le côté sexuel de son travail, on s’est souvent limité à une analyse psychanalytique ou cantonné à des concepts normatifs tels que l’“anormalité’’ ou la “perversion’’. Or il est beaucoup plus riche que cela », déclare Achim Küpper.

L’œuvre de Luis Buñuel est sans conteste le reflet de son époque, de son parcours atypique et de sa personnalité complexe : « Faut-il le rappeler, poursuit le chercheur, dès son plus jeune âge, Luis Buñuel rédige remarquablement bien et est capable de véritables prouesses sportives. Ses visites au Musée d’El Prado développent sa précoce sensibilité esthétique; il joue et écrit également des pièces de théâtre, disserte sur le guignol. Plus tard, il sera même passionné d’entomologie et de musique. Dans son âge mûr, il reviendra, mais d’une manière nouvelle, à la religion, à la psychanalyse ou encore au comique. » Avoir conscience de cette interpénétration est indispensable pour comprendre le réalisateur d’Un chien andalou. « Jamais il ne s’est fixé dans un quelconque courant, même lorsqu’il se dit surréaliste : il ne l’est d’ailleurs pas à 100%. Il dépasse le schéma tout en l’établissant », ajoute Achim Küpper.

A l’instar du cinéaste, le colloque prône l’ouverture tant au niveau du public visé que de l’interdisciplinarité des intervenants et de leurs réflexions. Ces dernières s’articuleront d’ailleurs autour de quatre axes majeurs : « L’idée est d’aborder, tout d’abord, les lectures transversales de la production de Buñuel à partir d’un domaine culturel autre que le cinéma. Ensuite, nous analyserons l’influence de ses films dans d’autres domaines artistiques tels que la peinture, la musique, la BD, la littérature ou la photographie. Puis, nous étudierons ses œuvres comme source de métaphores pour des paradigmes scientifiques ou épistémologiques. Et enfin, nous passerons en revue des facettes oubliées ou moins connues de sa vie, comme lorsqu’il fut acteur, écrivain, inventeur de cocktails, personnage littéraire, etc. »

Parallèlement – pour joindre l’agréable à l’utile –, le Théâtre universitaire présentera Hamlet, une adaptation écrite par Buñuel en 1925. Des projections de ses films moins connus seront également proposées : elles ouvriront et clôtureront le colloque en beauté.

L’étude et l’analyse de l’œuvre de cette figure de proue du XXe siècle reste encore aujourd’hui très percutante, et, comme le remarque Achim Küpper, « les questions que posent cette œuvre dépassent son époque. Elle n’a pas vieilli et les messages, les idées qu’elle prône sont prétexte à de nombreuses réflexions ».

Martha Regueiro

Colloque "Luis Buñuel au-delà du cinéma"
Les 1er, 2 et 3 décembre, à la Salle des professeurs, place du 20-Août 7, 4000 Liège.
Organisé par le Pr émérite Danielle Bajomée, Álvaro Ceballos Viro, Achim Küpper, le Pr Marc-Emmanuel Mélon et Kristine Vanden Berghe.
Programme complet sur le site www.bunuel.ulg.ac.be

 

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