Novembre 2010 /198
Novembre 2010 /198

Riche en fibres

La laine des alpagas sur l’écheveau des vétérinaires

alpaga3Dans les montagnes reculées du Pérou, la principale source de revenus de la population provient de l’élevage des lamas et des alpagas. Sous un climat venteux et froid, avec un sol pauvre et fortement érodé, seuls ces camélidés – aussi appelés “petits camélidés du Nouveau Monde” par rapport aux grands camélidés dits de l’Ancien Monde, c’est-à-dire les dromadaires et les chameaux – sont assez robustes pour vivre et constituent donc la base de l’économie locale. Si le lama, plus connu que ses cousins l’alpaga, le guanaco et la vigogne, est le compagnon idéal pour le transport, l’alpaga est surtout, lui, réputé pour sa laine soyeuse et de très grande qualité.

Bénéfices en baisse

Elevés sur l’Altiplano andin, à plus de 3500 m d’altitude, les troupeaux du pays produisent près de 6500 tonnes de laine, ce qui représente 50 millions de dollars de recettes d’exportation par an (chiffres FAO). Or, ces dernières années, le prix au kilo a fortement chuté et les ménages d’alpagueros, premier maillon de la chaîne, ne perçoivent qu’une infime partie des bénéfices, dilués entre les nombreux intermédiaires et industriels. Ce système est même responsable d’une baisse constante de la qualité de la fibre d’alpaga péruvienne puisqu’en 2007, moins de 10% de la production était classée “qualité supérieure”, la plus rentable.

alpaga2Pour contrer cette dégradation progressive, plusieurs programmes d’aide ont vu le jour dont le dernier en date, initié par la Commission universitaire pour le développement (CUD), fait intervenir des chercheurs de l’université de Liège : « Le projet est plus complet que la seule question des alpagas, résume le Pr Christian Hanzen, de la faculté de médecine vétérinaire. Il vise en effet à désenclaver l’université nationale San Antonio de Cusco, afin d’y renforcer l’encadrement académique et scientifique pour qu’il corresponde au développement global de la région. Plusieurs universités belges se répartissent ainsi différents aspects qui touchent aux productions végétales (Gembloux Agro-Bio Tech), à la santé publique (ULB), aux sciences sociales (FDNP Namur) ou encore au patrimoine urbanistique (UCL). De notre côté, nous intervenons sur le volet ressource animale. »

Le programme de coopération, qui s’étend sur quatre ans, a démarré en 2009 avec une première visite sur place, le temps, déjà, de dresser les premiers constats. « La production de laine par animal est très basse, de l’ordre de 2 à 3 kg par an et la qualité des fibres varie fortement d’un animal à l’autre. Pour améliorer le rendement des troupeaux, il faut donc croiser les meilleurs éléments, ceux qui présentent la fameuse laine et qui en produisent le plus. » En quelque sorte, il s’agit de réaliser une cartographie phénotypique et de reproduction complète du troupeau de 4000 alpagas dont dispose l’université à la station de Raya (4200 m) située à 200 km de Cuzco. Cette première étape est indispensable à l’identification des meilleurs éléments.

Technologies de pointe

alpaga1Mais voilà, pour pouvoir dresser un portrait efficace d’un seul alpaga, il faut analyser près de 200 fibres, dont le diamètre ne dépasse pas les 30 microns (un cheveu = 100 microns). Impossible de réaliser ce travail sans l’aide des dernières technologies. Ainsi, un des apports concrets du programme a été l’apport d’un fibromètre qui permet de mesurer avec précision l’épaisseur des fibres, dont la qualité dépend de nombreux critères. « Ce travail, toujours en cours, n’est que la première étape car une fois que vous avez isolé les bons éléments, encore faut-il pouvoir les reproduire et les nourrir efficacement. Or, l’alpaga mâle présente diverses particularités qui ne facilitent ni le prélèvement ni la conservation de son sperme. Il en est de même de la femelle alpaga en ce qui concerne sa reproduction par insémination artificielle. Il a donc fallu adapter et enrichir le matériel déjà existant pour améliorer les conditions de reproduction », poursuit le 
Pr Christian Hanzen.

Les premières étapes relatives aux aspects génétiques, nutritionnels et de reproduction de ce projet ont été franchies avec succès. La suite du programme s’annonce tout aussi prometteuse. Une étudiante de 3e doctorat va se rendre sur place pour y réaliser son stage de fin d’études. De même doit être poursuivi l’encadrement des chercheurs locaux pour intensifier leur développement scientifique.

François Colmant

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