Décembre 2010 /199
Décembre 2010 /199

Innovation et alternatives

Les entreprises sociales dans l’économie de marché

Dans le système capitaliste qui régit aujourd’hui la plupart des économies, les entreprises sociales constituent un modèle original d’entreprises dans la mesure où elles utilisent l’activité économique à des fins sociales.

AtelierMosanTroisième voie

« Nous vivons dans une “économie mixte de marché” », rappelle Sybille Mertens, chargé de cours à HEC-ULg et titulaire de la chaire Cera en Social Entrepreneurship. En effet, l’allocation des ressources (matérielles, naturelles ou humaines) passe principalement par le marché pour satisfaire les besoins individuels ou collectifs. Mais l’Etat intervient pour fixer les règles du marché ou endosser lui-même le rôle de producteur : ce qui justifie le qualificatif de “mixte”. Le système a fait ses preuves mais quelques voix rappellent que ce système génère aussi des tensions importantes, de nature sociale ou environnementale. Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui plaident pour une mutation. Pourquoi ne pas continuer à utiliser la force de l’économie de marché mais en la maîtrisant, c’est-à-dire en associant de manière plus forte la liberté d’entreprendre et le respect des personnes et de l’environnement ?

Dans l’ouvrage collectif qu’elle a récemment publié, La gestion des entreprises sociales*, Sybille Mertens et ses collègues montrent que des modèles alternatifs d’entreprises privées existent et que l’économie peut donc être “plurielle”. « Les entreprises sociales constituent des formes d’organisations productives qui allient l’esprit d’entreprise à l’engagement pour une mission sociétale », assure-t-elle. Même si elles sont porteuses d’un modèle alternatif, ces entreprises sociales constituent déjà une force socio-économique de première importance : le secteur représente près de 15% de l’emploi salarié et environ 10% du PIB en Belgique.

Depuis près de 20 ans, de nouveaux vocables ont fait leur apparition dans le jargon économique. Les termes de “développement durable”, “éthique des affaires”, “bonne gouvernance”, “responsabilité sociétale des entreprises”, “investissement socialement responsable”, “commerce équitable” ou encore “consommation citoyenne” s’insinuent dans le paysage.

Une longueur d’avance

 « L’arrivée du paradigme de la “responsabilité sociale de l’entreprise (RSE)” dans les entreprises classiques constitue à la fois une opportunité (cela correspond à une tendance de fond de “demande citoyenne” que les entreprises sociales peuvent récupérer) mais aussi une menace, expose Sybille Mertens. Il y a en effet un risque de banalisation de leur action, car les citoyens ne sont pas toujours capables de distinguer les différents niveaux de qualité dans l’attitude socialement responsable. » Pour rappel, la RSE désigne les démarches volontaires dans lesquelles des entreprises s’engagent afin, d’une part, de respecter – au-delà de leur objectif de rentabilité économique – des exigences sociales et environnementales et, d’autre part, d’améliorer les relations avec toutes les parties prenantes concernées par leurs activités (clients, fournisseurs, travailleurs, pouvoirs publics, voisinage, etc.).

Ces démarches, en fait, constituent le fondement même des organisations de l’économie sociale. Elles ont donc, sur ce thème, une expertise à faire valoir. « Mais puisque les entreprises sociales et les entreprises classiques qui entament des démarches de RSE partagent certains objectifs, on peut espérer que des occasions de partenariat et une saine émulation conduiront au progrès social », reprend la chercheuse. Et de conclure : « Cela signifie que les entreprises sociales doivent continuer à jouer leur rôle d’innovateur social, avec une petite longueur d’avance sur ce que les acteurs du marché sont capables de faire. » C’est autour de cette idée que Sybille Mertens articulera sa communication au colloque organisé par l’asbl Solidarité des alternatives wallonnes, le 15 décembre prochain.

Patricia Janssens

* Sybille Mertens, La gestion des entreprises sociales, Liège, éditions Edi.Pro, février 2010.

 

Colloque économie sociale - entrepreneuriat social, RSE : vrais ou faux amis ?
Le 15 décembre, organisé par l’asbl Solidarité des alternatives wallonnes (SAW-B).
Chaussée de Louvain 510, 5004 Bouge (Namur).

 


Contacts : tél. 071.53.28.30, courriel info@saw-b.be, site www.economiesociale.be
Pour une description complète des entreprises sociales en Belgique, voir les sites www.concertes.be et www.econosoc.be

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