Il y a juste dix ans, décochant ses formules les plus capillotractées, Gonzague Milis remportait la dernière édition du tournoi d’éloquence organisée par l’Association des étudiants en droit (AED). Ce godelureau, alternant les airs compassés et pétulants, avait enjambé les chausse-trappes du bafouillage sur cette citation idoine de Fontenelle : “L’art des conversations amoureuses est qu’elles ne soient pas toujours amoureuses.” Ce faisant, nous assistâmes à la victoire rageante d’un électron de science politique sur cette escouade d’étudiants en droit qui noyautaient un tournoi logomachique théoriquement ouvert à tous les étudiants de l’ULg. « Reste à lancer une croisade afin que, l’an prochain, les absents des autres Facultés (où sont les philosophes, romanistes, communicateurs… ?) viennent briser l’hégémonie du droit. Au nom de l’amour des mots et de la rhétorique », écrivait à l’époque l’auteur de ce présent article.
Reste que la vie universitaire, dans la perpétuelle palingénésie de ses structures étudiantes, voit les choses naître, disparaître et parfois renaître. Alors que l’AED a depuis embrassé un aussi funeste destin que celui des “4 heures trottinettes” au Val-Benoît, de la Jupiler sous le chapiteau et du bal de l’ULg, voici que réapparaît le tournoi d’éloquence ouvert cette fois à tous les étudiants de la Faculté. Pour ce tournoi “New Age”, les assistants de la faculté de Droit et de Science politique, par la voix du président de leur conseil facultaire du personnel scientifique, Frédéric Bouhon, ont ainsi fait table rase du passé pour concocter un nouveau concours de dissertation et d’éloquence dont l’épreuve orale (et finale) aura lieu le 25 février à 17h30 à l’amphi Laurent. « Le thème en est : dissoudre la Belgique et construire l’Europe. Nous avions envie de créer une activité conviviale en relation avec les aptitudes inhérentes aux compétences que sont censés mettre en exergue nos étudiants. » Des annales, plus rien ne subsiste.
Sur 16 inscrits, dix ont rendu leur dissertation à temps. De cette proportion qui rappelle que les années n’ont pas forcément permis d’endiguer le mal endémique qu’est le retard chez les étudiants, les finalistes ont été choisis le 17 décembre par un jury composé de cinq assistants issus des trois départements de la Faculté. Et sur les six hérauts de cette nouvelle vague, cinq sont étudiants en 1er ou en 2e master de droit alors qu’un seul 1er master en science économique défendra le pluralisme facultaire, faute de criminologues.
Gageons que ce dernier, comme le fit son prédécesseur il y a une décennie, excellera dans l’art de faire avaler des couleuvres à une assemblée rehaussée par la présence du doyen Olivier Caprasse. Mais pas question de textes exagérément elliptiques puisqu’un temps maximum de 15 minutes est imparti à chaque candidat. C’est donc sur base des seuls critères d’originalité, de richesse argumentaire et d’éloquence que tous tenteront d’empocher le premier prix. Nul ne sait encore si les tablettes numériques remplaceront déjà la traditionnelle feuille de papier sur le pupitre. Mais si l’on compare la cagnotte de 350 euros mise en jeu cette année (grâce au fonds Constant) aux 40 000 francs offerts en 2001, on constatera que la valeur technologique, sur dix ans, a davantage progressé que la valeur monétaire. Qui osera être dirimant ?
Voir une vidéo de présentation du concours sur la WebTV ULg.
Fabrice Terlonge
collaborateur du 15e jour du mois depuis 1998