Dans son dernier livre intitulé Pourquoi lire ?, paru chez Grasset, Charles Dantzig se pose une question importante entre toutes : “Comment lire ?”. A quoi il répond sans hésiter “avec méthode”, ajoutant que “la passion est la plus raisonnable” dans cette activité. Ce n’est pas cette vive inclination pour la chose écrite que Pisa 2009 a ausculté auprès des élèves âgés de 15 ans – où qu’ils soient dans leur parcours scolaire – dans 110 établissements de la Communauté française. Non, ce qui a été visé, c’est la compréhension.
Moyenne en hausse
Mais de quoi Pisa est-il le nom ? D’une vaste enquête menée dans 34 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et ses 41 pays partenaires, l’acronyme signifiant “Programme international pour le suivi des acquis des élèves”. Tous les trois ans depuis l’année 2000, les résultats tombent, inexorables, non seulement en ce qui concerne la lecture mais aussi en ce qui a trait à la culture mathématique et à la culture scientifique. Il y a cependant une matière qui, à chaque fois, est évaluée en priorité: en 2009, ce fut la lecture*.
« Cette discipline, clé pour d’autres apprentissages, a aussi constitué le domaine majeur de l’évaluation de 2000, rappelle le Pr Dominique Lafontaine, directrice du service d’analyse des systèmes et pratiques d’enseignement à la faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation. Et les résultats des élèves des écoles francophones de Belgique de l’époque, dès qu’ils ont été connus, ont provoqué une véritable onde de choc. Heureusement, neuf ans plus tard, si les prestations en mathématiques et sciences se tassent encore un peu, il n’en va pas de même pour celles relatives à la lecture. Ici, on enregistre une belle amélioration, matérialisée par un gain de 14 points sur l’échelle Pisa. Bref, la moyenne de la Communauté française est passée de 476 à 490, score légèrement au-dessus de la moyenne de l’Union européenne et tout à fait comparable à la moyenne des pays OCDE qui, elle, subit un léger fléchissement depuis le premier test organisé. »
Pas de quoi pavoiser certes, car les performances de nos élèves se situent loin du peloton de tête où se détachent la Corée (539) et la Finlande (536), et celles des Communautés flamande et germanophone de notre pays se perchent au-dessus de celles de leurs homologues francophones. Mais la progression est, tout de même, encourageante. Et Dominique Lafontaine en charge de l’étude Pisa pour le volet francophone de se réjouir : « Au contraire d’une légende ayant la vie dure, on n’assiste aucunement à un nivellement par le bas, puisque l’analyse des résultats révèle que diminution du nombre des lecteurs très faibles et augmentation de celui des lecteurs moyens et bons vont de pair. »
Chantier prioritaire
Comment s’explique cette heureuse évolution? Plusieurs facteurs ont été déterminants : après la douche froide reçue en 2000, tous ceux qui s’occupent d’enseignement en Communauté française se sont attelés à faire de la lecture-compréhension un chantier prioritaire. Les acteurs de terrain, professeurs en premier lieu, y avaient été amenés à la suite de l’application du décret-missions de 1997, lequel mettait en avant l’apprentissage par compétences. A quoi il convient de prendre en ligne de compte l’heure de français supplémentaire par semaine introduite en 1re année du secondaire ainsi que, leur impact ayant certainement été bénéfique, les évaluations externes auxquelles ont été soumis les élèves depuis le début de la décennie 2000. Conséquence : les jeunes garçons et filles testés en 2009, nés en 1994, ont suivi un cursus scolaire quotidien avec ces diverses mesures décrétales mises en pratique et autres “socles de compétences” en ligne de mire.
Mais il reste des points noirs, et de taille. L’importante proportion de lecteurs très faibles (23 % des élèves), par exemple, reste préoccupante. Tout comme est alarmant le fait que 50 % seulement des apprenants sont “à l’heure” en 4e secondaire : les autres ont redoublé dans les années antérieures, situation qui s’aggrave depuis 2000 et a eu une réelle incidence sur la régression en mathématiques et en sciences. Ce qui remet à nouveau sur le tapis la question du redoublement. « Enfin, comparé à quantité d’autres, notre système éducatif a une déplorable tendance à laisser au bord de la route les enfants issus de milieux socio-économiques plus modestes, ce qui le rend particulièrement inéquitable », s’alarme Dominique Lafontaine. La réduction des écarts doit donc rester plus que jamais au programme en Communauté française, avant l’échéance de 2012...
Henri Deleersnijder
collaborateur du 15e jour du mois depuis 1996
* Informations complètes à l’adresse http://hdl.handle.net/2268/79559