En République démocratique du Congo (RDC), l’extrême pauvreté des régions rurales, la quasi inexistence des infrastructures routières et le manque de moyens des hôpitaux se conjuguent pour expliquer le taux très élevé de mortalité maternelle, l’un des plus élevés au monde. Une femme sur 16 ne survivra pas à ses grossesses et de nombreuses autres souffriront de séquelles importantes.
Santé et dignité
« On estime que 88 à 98 % des morts maternelles sont évitables, assène Xavier Capelle, responsable de l’axe coopération développé par le service de gynécologie obstétrique dirigé par Frédéric Kridelka, chargé de cours au département de sciences cliniques. Le pivot central de la réponse proposée par l’OMS est le développement d’une assistance qualifiée à l’accouchement, ce qui nécessite formation, équipement et matériel. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les projets que nous menons en RDC avec UniverSud. »
Le Dr Capelle s’investit également dans un autre volet de la santé maternelle, le traitement chirurgical des fistules vésico-vaginales, une pathologie qui touche 100 000 femmes congolaises. Le plus souvent provoquées par de graves complications au moment de l’accouchement, ces lésions mettent en communication la vessie et le vagin ou, parfois, le rectum et le vagin. Incontinentes, les femmes “fistuleuses”, comme on les appelle avec dégoût, sont rejetées par leur communauté et condamnées à un long calvaire.
Pour leur rendre santé et dignité, une équipe chirurgicale belge mobilisée par l’association humanitaire liégeoise Médecins du Désert* a mené cet automne sa seconde mission à l’hôpital de Kashobwé, à 400 km de Lubumbashi. Parmi ses membres, Xavier Capelle, bien sûr, mais aussi l’urologue Robert Andrianne, chargé de cours à l’ULg. En plus de l’aspect humanitaire, ce dernier tient à souligner l’investissement pédagogique qui anime l’équipe : « Notre objectif est de former des chirurgiens congolais à ce type d’intervention, en collaboration avec l’université de Lubumbashi. Kashobwé pourrait ainsi devenir le centre universitaire de référence de la fistule pour la province du Katanga et venir en aide de manière pérenne à un plus grand nombre de patientes. »
Fédérer les efforts
Robert Andrianne ne manque pas d’idées pour concrétiser ce projet, à commencer par la formation des médecins belges désireux de rejoindre Médecins du Désert : « Dans nos pays, les fistules obstétricales sont une maladie du passé; nos urologues et nos gynécologues n’y sont pas formés. Nous aimerions encourager une formation spécifique, en collaboration notamment avec le service d’anatomie du Pr Pierre Bonnet. »
Daniel Bovy, président de Médecins du Désert, n’est pas en reste. « Pourquoi ne pas être plus ambitieux encore, et mettre les moyens belges en commun pour aider la République démocratique du Congo à éradiquer ce fléau ? », imagine-t-il, rappelant que des médecins belges offrent depuis plusieurs années leur temps et leurs compétences au traitement chirurgical de la fistule vésico-vaginale, dans le cadre notamment de l’ONG Médecins sans Vacances. A Kinshasa, ce sont les Prs Jean de Leval (ULg) et Emile de Backer (UCL) qui ont créé Fistul-Aid à l’hôpital Saint-Joseph, tandis que le Pr Dirk De Ridder (KUL) s’installait à une centaine de kilomètres de là, à Kisantu. « L’idéal serait d’installer encore deux ou trois centres de référence sur ce territoire grand comme les deux tiers de l’Europe », poursuit Daniel Bovy.
Anne Pironet
consultante en communication
secrétaire de rédaction du Quinzième jour et du magazine Liège Université (1994 - septembre 1997)
* L’asbl Médecins du Désert a été créée en 2002 sous la présidence de Jules Gazon, professeur émérite de l’ULg. Son but premier était de venir en aide à des patients pauvres d’Afrique du Nord en les opérant de la cataracte. En 2009, Jules Gazon, ému par la situation des femmes “fistuleuses”, a décidé d’étendre le champ d’action de son association, avec le soutien de Moïse Katumbi, gouverneur de la province du Katanga.
Médecins du Désert fait appel à votre générosité, afin qu’un maximum de femmes congolaises retrouvent une vie normale :
compte n° 001-4321090-10.