Il fallait marquer le coup. Appel a été lancé à tous les anciens rédacteurs en chef du 15e jour du mois et des titres précédents pour qu’ils participent à la rédaction de ce numéro “spécial”. L’un a repris le thème de son premier article, un autre a voulu retourner sur les lieux du crime, un troisième a décidé de laisser filer une réflexion prospective. Les autres ont couvert l’actualité du campus. Tous l’ont fait avec générosité et enthousiasme. La conférence de rédaction – exceptionnelle – s’est passée dans la bonne humeur et, si les anecdotes du passé ont fait florès, c’est tournés vers l’avenir que ces journalistes chevronnés ont décidé de prendre la plume. Un numéro spécial donc, mais en même temps comme les autres : on y parle de l’Université, de ce qu’elle est, des gens qui la font vivre et bouger. Un petit bout d’Alma mater que vous tenez fidèlement dans les mains tous les mois ou que vous consultez sur le site www.ulg.ac.be/le15jour. Merci à vous !
L’histoire des journaux de l’Université est étroitement liée tant à la naissance d’une section de communication dans les années 70 qu’au développement d’un service des relations extérieures. C’est une histoire qui procéda par étapes jusqu’à atteindre à cette formule heureuse du 15e jour, dont on fête aujourd’hui le numéro 200.
En premier, il y eut Liège Université, un bimestriel créé en 1979 qu’animent successivement Charles Houard, André Lange et Henri Dupuis et qui accueille des articles d’étudiants. Plus tard, son rejeton, Le P’tit Lu, fit franchir un grand pas. Lancé en 1986 par Yves Winkin, jeune chargé de cours, Le P’tit Lu répondait à une double exigence : informer sur l’Université sans lourdeur ; associer la section au projet en faisant d’un étudiant récemment diplômé le rédacteur en chef du journal. Se succédèrent ainsi aux commandes Marc Vanesse, Éric Renette, Jean-François Ernst, Fabienne Lorant, Jacques Cremers, François Louis. Le succès vint et se confirma huit ans durant. Dès cette époque, Pierre Kroll est associé à la presse de l’ULg et il le restera jusqu’à aujourd’hui. Avec cet art unique d’introduire la note impertinente face au sujet le plus sérieux.
L’expérience du P’tit Lu fut probante mais n’impliquait que trop partiellement les étudiants. Fut prise alors la décision d’imposer à tous les journalistes en herbe la collaboration à l’organe de presse. Avec deux impératifs. Que le rythme de parution soit plus soutenu (deux numéros par mois). Que le rédacteur en chef et l’unique assistant de la licence travaillent en étroite liaison. Le Quinzième fut donc lancé le 21 janvier 1994 par un numéro 1. Ce jour-là, il tint à se dévoiler avec éclat devant le tout Liège médiatique dans un B12 changé en forum festif : des étudiantes drapées de blanc en déclamaient les articles juchées sur des chaises ; d’autres offraient le journal, à la criée, aux arrivants. Lesquels se firent plus rares qu’annoncés : l’affaire Agusta, qui avait éclaté le jour même, retint la plupart des journalistes au sein de leurs rédactions respectives.
De ce Quinzième jour tout neuf, François Louis et Alain Nivarlet se trouvaient aux commandes. Ils allaient en assurer la périodicité soutenue. Mais le second disparut tragiquement un an plus tard. Pascal Durand s’ajouta bientôt à l’équipe et prit en main une formule rénovée de Liège Université, trimestriel à usage externe.
Ce fut, pendant quelques années, la période héroïque des deux journaux. La rédaction voulait faire de l’information réelle : sérieuse et recoupée, libre et critique. Mais elle se plaçait de la sorte sur le fil du rasoir. D’un côté, les imprudences et naïvetés bien normales des jeunes collaborateurs créaient le danger ; de l’autre, l’institution complexe et imposante au service de laquelle était le journal se montrait facilement sourcilleuse. Ainsi du regard qu’elle pouvait porter sur les “dégradés” de la dernière page, dans lesquels on recalait ou distinguait des gens et des actes, en veillant toutefois à s’en expliquer avec soin. De toute façon, un trio d’aînés revoyait les pages du journal. Certains titres de première étaient “chauds”. Citons : “Faut-il évaluer les enseignants ?”, “Faut-il brûler le trifacultaire ?”, “L’ULg réclame son dû (= au ministre Lebrun)”. Dossiers délicats mais qui n’étaient ouverts qu’en assumant une loyauté envers le “propriétaire du titre”.
Que ce soit au B12 du Sart-Tilman ou dans le bâtiment délaissé de la chaufferie en ville, l’équipe rédactionnelle travaillait dans une effervescence joyeuse mais aussi avec beaucoup de sérieux. Elle connaissait les limites de l’autonomie qu’on lui accordait. Alors Recteur, Arthur Bodson prenait le risque de cette indépendance, écrivant dans le n° 20 (23 février 1995) : « Le Recteur ne relit jamais le journal avant sa parution ; il n’aime pas y trouver sa photo ; il trouve que l’Université, temple du vrai savoir et de l’esprit critique, ne doit pas se prendre au sérieux et doit savoir rire, d’abord d’elle-même ; il est heureux que l’ULg offre à ses étudiants en journalisme un tel outil de formation ; il souhaite que les lecteurs continuent à les soutenir dans l’apprentissage de leur métier. » Chapeau !
Mais les époques héroïques n’ont qu’un temps. Le Quinzième ne pouvait se maintenir dans sa forme première au-delà de quelques années. Il ne pouvait ignorer que, pour l’enseignement supérieur, les enjeux devenaient de plus en plus lourds. Il était donc voué à s’assagir. Mais, devenu mensuel (d’où Le 15e jour du mois), il a conservé de naguère plus qu’une belle mise en page. Aujourd’hui, sous le rectorat de Bernard Rentier et avec Patricia Janssens en rédactrice en chef, il conserve une vivacité de ton que l’on ne trouve guère dans des journaux de même fonction. Il est par ailleurs largement ouvert aux points de vue des membres de l’Institution via des rubriques comme “trois questions à” ou certaines cartes blanches. Si les étudiants en journalisme n’y apparaissent que peu, c’est que, à l’intérieur de leur programme d’études, la formation s’est beaucoup renforcée.
Donc journal d’entreprise si l’on veut que ce 15e jour mais journal pas comme les autres. C’est aussi qu’il se tient au plus près des sources du savoir, témoignant du dynamisme d’une recherche, d’un enseignement, d’une région.
Pr émérite Jacques Dubois
éditeur responsable du Quinzième jour ( 1994 - septembre 1998)