Longtemps, dans nos écoles, le manuel d’histoire a constitué l’accompagnateur obligé des professeurs et de leurs élèves. En lui étaient généreusement concentrées pour de longues années les connaissances à emmagasiner, sorte de carcan cognitif dont il était malaisé sinon impossible de s’éloigner, et ce au mépris de la discipline de Clio pour laquelle l’objectif de “recherche” ou d’“enquête” est fondamental. On était dès lors en présence d’un savoir pré-digéré à ingurgiter.
Et puis, l’enseignement dit rénové est passé par là qui, dès le début des années 1970, a bousculé les méthodes d’apprentissage, projetant de faire des collégiens et des lycéens les artisans de leur savoir. Plus question pour les enseignants de déverser la matière de façon frontale sur les chères têtes blondes et noires, mais appel était fait aux capacités autonomes de découverte de celles-ci. Priorité d’un acquis culturel à conquérir donc.
Le résultat de cette mini-révolution ne s’est pas fait attendre. Le bon vieux manuel-récit traditionnel se faisait subitement ringard, au moment même où les photocopieuses envahissaient les établissements scolaires. Et les profs – c’était au temps où soufflait l’esprit de Mai 68 – de le vouer aux gémonies, lui préférant une construction personnelle de leurs cours, en phase avec la jeune génération mais avec “photocopillage” à l’appui néanmoins.
Les manuels FuturHist 3e et FuturHist 4e, sur-titrés le Futur, toute une Histoire et publiés chez Didier Hatier sous la direction de Hervé Hasquin et de Jean-Louis Jadoulle, évitent les deux écueils évoqués ci-dessus, de manière certes un tantinet caricatural. Ils se tiennent, à tout prendre, à égale distance entre les partisans du livre-référence à tout crin et ceux qui s’y opposent sans nuances. Peut-être y a-t-il chez les uns et les autres un a priori nécessitant quelque bémol.
« C’est ce double “raccourci” que j’ai tenté de dépasser : concevoir un nouveau type de manuel d’histoire qui, d’une part, réponde aux finalités de l’enseignement de l’histoire aujourd’hui, aux prescrits didactiques en vigueur et, d’autre part, soit un support, un tremplin, un outil à disposition de l’enseignant pour stimuler sa liberté et sa créativité didactique », précise Jean-Louis Jadoulle, chargé de cours au département des sciences historiques. D’où, dans ces ouvrages d’agréable consultation, la part belle faite aux documents écrits et à l’iconographie – en quadrichromie – et, apport essentiel, aux synthèses sans lesquelles acquisition des connaissances ou savoirs requis risquent de rester lettre morte.
Cette réussite, que l’on doit en réalité à 23 auteurs en plus des deux directeurs de collection, répond à une démarche se déclinant en quatre axes : le premier vise à donner aux professeurs des matériaux susceptibles d’articuler présent et passé; le deuxième à offrir aux mêmes une base documentaire permettant aux apprenants de bâtir leurs connaissances; le troisième à outiller la classe d’histoire tout en évitant à la “mettre sur des rails” ; le quatrième à s’adapter à la réforme des programmes coulée dans le décret-mission de 1997, laquelle suppose la nécessité de placer l’élève devant des situations-problèmes.
« Cette quadruple perspective, ajoute Jean-Louis Jadoulle, chargé de la didactique de l’histoire à l’ULg, m’a conduit à concevoir un manuel dont l’ambition est de rendre les élèves capables de se servir des connaissances qu’ils ont apprises pour comprendre des situations nouvelles, du passé et du présent. » Idéal louable qui a été récompensé puisque, le 30 novembre dernier, le Parlement de la Communauté française a remis le prix 2010 de l’Enseignement et de l’Education permanente à ces deux ouvrages de haute tenue.
Henri Deleersnijder