Devant le blocage politique qui sévit en Belgique depuis près de neuf mois, le Cercle Condorcet de Liège organise le 2 avril, dans la salle académique, une journée de réflexion sur l’avenir du pays. Cette manifestation sera ouverte par le recteur Bernard Rentier, le Pr émérite Albert Dupagne, président actuel du Cercle, et le Pr émérite Jules Gazon, concepteur et coordonnateur scientifique de la journée. L’objectif du Cercle Condorcet de Liège, en organisant cette journée de réflexion, est d’apporter au grand public et en particulier au public universitaire, une information sur le devenir de notre pays qui soit aussi ouverte, critique et objective qu’il est possible de l’obtenir en ces temps troublés.
La journée s’organisera en trois temps. La matinée sera consacrée au séparatisme vu de Flandre ainsi qu’à l’étude de la faisabilité juridique, économique et sociale des diverses options retenues. L’après-midi soulignera deux aspects : d’une part, l’évolution institutionnelle de la Belgique continuée – en précisant le contenu des compétences de l’Etat fédéral (ou confédéral) – et, d’autre part, les trois options possibles en cas de scission. En fin de journée aura lieu un débat politique auquel sont invités des représentants politiques élus ou représentatifs.
Cette conférence publique s’inscrit naturellement dans les missions du Cercle Condorcet. Fondé en 1987 à Paris, avec l’aide de Claude Julien alors directeur du Monde diplomatique, le premier Cercle Condorcet* a rassemblé une centaine d’acteurs universitaires, syndicalistes, économistes, militants associatifs et leur a proposé de mener ensemble une réflexion sur l’état de la société. Une soixantaine de cercles similaires ont été créés ensuite en France et dans quelques pays francophones. A Liège, c’est à l’initiative d’Ernest Schoffeniels, professeur de biochimie à l’ULg, que le Cercle Condorcet est né en 1991. « Son objectif n’est pas de constituer un corps de doctrine, expose Albert Dupagne, mais plutôt de confronter les points de vue selon la méthode de la raison critique. » Loin d’être un club de divertissement de plus, le Cercle, qui s’inscrit dans la perspective de la “contre-démocratie”, est un lieu de réflexion citoyenne active. Il regroupe des gens convaincus que les grands problèmes de société ne doivent pas se débattre uniquement dans les partis politiques ou entre spécialistes, mais qu’ils doivent s’ouvrir à tous les citoyens. Sa devise est “Mêle-toi de ce qui te regarde !”.
Parmi les invités issus de plusieurs universités belges et d’horizons divers, figure le Pr Nicolas Thirion, de la faculté de Droit et de Science politique de l’ULg. Théoricien du droit, Nicolas Thirion se propose de s’interroger à voix haute sur ce qui était encore impensable il y a quelques années, soit la fin de l’Etat belge dans sa forme actuelle. « C’est le rôle des universitaires, confie-t-il. Problématiser, pour reprendre le mot de Foucault, décrypter la situation et envisager l’éventail des solutions possibles sans esprit partisan. » Et de rappeler qu’au cours de l’Histoire, nombre d’Etats ont été en proie à des forces centrifuges, sécessionnistes, indépendantistes, etc. : les Pays-Bas en 1830 par exemple… En cas de scission du pays, quelles seraient les options possibles pour la Wallonie ? « Trois pistes “sérieuses” sont couramment évoquées : la Wallonie et la région de Bruxelles perpétuent la Belgique tandis que la Flandre prend son indépendance (le fameux “plan B”) ; chacune des trois régions devient indépendante ; la Wallonie se rapproche de la France. Mais d’autres scénarios– plus farfelus – ont aussi été entendus, précise-t-il : la Wallonie pourrait demander son intégration à l’Allemagne ou au Luxembourg. » Nicolas Thirion envisagera – sans parti pris – les points forts et les points faibles de chacune des options.
Patricia Janssens
* En référence au marquis de Condorcet, mathématicien et homme politique de la fin du XVIIIe siècle, fervent adepte de l’esprit critique.
L’après-Belgique ? Informations et programme sur le site www.cerclecondorcetdeliege.be |