A l’instar de nombreuses institutions politiques et projets de l’Union européenne, la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) est relativement peu connue des citoyens. Or, l’appui de ces derniers à toute politique de défense est essentiel. Mais si la défense est européenne, les armées demeurent nationales et chaque gouvernement a à répondre devant son opinion publique de l’engagement ou non de troupes sur divers théâtres d’opération à travers le monde. Comment ces opinions publiques perçoivent-elles la défense européenne ? Par quels biais sont-elles informées ? Ont-elles une vision positive de cette politique ? Quelle importance attribuent-elles à la chose militaire ? etc. Autant de questions – parmi d’autres – qu’aborde le livre publié sous la direction d’André Dumoulin, chargé de cours associé à la faculté de Droit et de Science politique de l’ULg, et de Philippe Manigart, professeur de sociologie et chef du département des sciences du comportement à l’Ecole royale militaire*.
La Politique européenne de sécurité et de défense dont l’Union s’est dotée avec le traité de Nice (2001) est un élément essentiel de la Politique étrangère de sécurité commune (PESC). Le traité de Lisbonne, signé en 2009, a enrichi la PESD qui est alors rebaptisée “Politique de sécurité et de défense commune” (PSDC). Ces apports nouveaux doivent être mis en rapport avec le rôle croissant des citoyens européens. L’opinion publique est ainsi devenue une variable stratégique non négligeable dont les décideurs politiques doivent – et devront de plus en plus dans l’avenir – tenir compte. « Il est aujourd’hui question de renforcer l’Europe des citoyens à travers diverses démarches de sensibilisation et d’ouverture aux institutions européennes, nonobstant le poids des élites, les risques de mauvaise compréhension et le fait que le domaine de la sécurité-défense de l’Union européenne reste sous contrôle des champs bureaucratiques, des Etats et des relais publics nationaux. Mais cela suppose que l’opinion publique et les parlements nationaux soient complètement informés des enjeux et décisions dans ce domaine », observe André Dumoulin. Sans surprise, les opinions publiques ont une approche de la PSDC liée aux missions de crises, à la gestion de celles-ci ainsi qu’aux incidents qui se déroulent lors de ces interventions.
Les informations parviennent aux citoyens, pour l’essentiel, via les médias quotidiens (presse écrite et audiovisuelle). La télévision, de par son impact, joue un rôle important dans la perception des opérations militaires menées par des troupes européennes sur le terrain. Et dans la foulée, les images peuvent influencer l’opinion publique qui demandera alors le départ de ses soldats, pouvant même faire tomber un gouvernement, comme cela s’est passé aux Pays-Bas. « Il est beaucoup plus difficile pour les gouvernements nationaux et les organisations internationales de faire passer leur message, enchaîne André Dumoulin. Les modes de communication de haut en bas, propres à l’époque de la guerre froide, sont de plus en plus remplacés par un relationnel d’égal à égal où jouent les réseaux. Sociologiquement, les canaux institutionnels sont jugés parmi les moins dignes de confiance par le public. » La PSDC et de manière plus large les questions de défense européenne souffrent donc d’un manifeste déficit d’information. Bien plus que d’un déficit démocratique.
Guy Van den Noortgate
Article complet sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Société/science politique)
André Dumoulin et Philippe Manigart (dir.), Opinions publiques et politique européenne de sécurité et de défense commune : acteurs, positions et évolutions, Bruylant, Bruxelles, 2010.