A la faculté de Droit et de Science politique, la nomination d’un académique se célèbre en grande pompe. Or, les cinq dernières années ont été riches en changements car de nombreux enseignants ont quitté leur poste et moult nouveaux visages – 19 exactement – ont fait leur apparition dans les couloirs du B31. Afin d’accueillir dignement ces nouveaux collègues, la Faculté a restauré une ancienne tradition, celle des leçons inaugurales. Chaque récipiendaire étant invité à présenter ses réflexions sur un point spécifique de sa recherche ou sur l’évolution de sa discipline devant un parterre d’étudiants, d’anciens diplômés (avocats et magistrats principalement) et de collègues.
Sept orateurs se succéderont au micro le jeudi 24 mars prochain (voir encadré), parmi lesquels Benoît Kohl – notamment titulaire des cours de droit de la responsabilité, de droit des contrats et de droit de la construction – dont la communication s’intitulera “Le droit de la construction à la croisée des chemins”. « Il est nécessaire de faire prendre conscience que le droit de la construction est à la croisée des chemins de différentes disciplines. Et il se situe aussi à l’un des croisements de son histoire », annonce-t-il.
Le droit à la construction est en effet multidisciplinaire. L’opération technique d’érection d’un bien immobilier demande en effet l’application simultanée de règles émanant de différentes disciplines juridiques : à côté de l’examen des relations contractuelles entre les intervenants (architectes, entrepreneurs, maîtres de l’ouvrage, sous-traitants, etc), elle peut aussi susciter nombre de questions relatives au droit urbanistique, fiscal, énergétique, social et même pénal dans certaines situations.
Par ailleurs, ce droit est à la croisée des chemins européens et internationaux. Alors qu’une vague d’harmonisation tend à rapprocher le droit des contrats des différents Etats membres de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne la protection du consommateur de biens mobiliers, les contrats de construction sont actuellement exclus de toute tentative d’homogénéisation. Si les règles portant sur la protection du consommateur de biens mobiliers sont – ou sont en voie de – s’unifier au sein de l’Europe, celles portant sur les biens immobiliers restent le pré carré de chaque Etat membre.
C’est là que le bât blesse. « Je ne demande pas que l’on résolve le problème en s’attaquant directement aux grands principes fondamentaux du droit immobilier : c’est trop difficile, précise Benoît Kohl. Mais il est quand même étonnant que la ménagère qui achète son aspirateur soit protégée de la même manière partout en Europe, alors que celui qui fait construire une habitation pour s’y loger soit, au plan européen, démuni de toute protection. Par exemple, en restant plus pragmatique, il serait possible d’imposer petit à petit un système de garanties concernant les vices cachés et le contrôle dans l’exécution des travaux portant sur une habitation. Et cela, afin d’arriver à une protection équivalente partout en Europe. »
Force est de constater cependant que la chose n’est pas simple, ainsi que l’a démontré Benoît Kohl dans sa thèse en 2008*. Selon ce dernier, « nous vivons dans une société de consommation, mais il semble que l’on oublie parfois que nous sommes également des consommateurs de logements et de constructions ». Une mise au point utile.
Marie Flaba
*La thèse a été publiée chez Bruylant : voir l’article sur le site www.reflexions.ulg.ac.be (rubrique Société/droit).
Leçons inaugurales Programme sur le site www.droit.ulg.ac.be. |