Avril 2011 /203
Avril 2011 /203

L’empreinte du satellite Encelade sur Saturne

On les espérait depuis plusieurs années. La sonde spatiale Cassini les a observées ! Les empreintes aurorales du satellite Encelade sur le géant Saturne feront bientôt la couverture de Nature. Trois chercheurs du laboratoire de physique atmosphérique et planétaire (LPAP) de l’ULg ont participé à cette aventure : le Pr Jean-Claude Gérard ainsi que les chercheurs Denis Grodent et Jacques Gustin.

Aurores

Ces traînées lumineuses observées aux pôles de Saturne, à côté de ses aurores propres, sont la signature visible de l’interaction électromagnétique qui unit le satellite à sa planète. Si les empreintes d’Encelade sont visibles dans l’atmosphère de Saturne, c’est pourtant du côté du satellite qu’il faut chercher le mécanisme physique qui en est la cause. Ces aurores sont en effet initiées par le cryovolcanisme d’Encelade, comme l’explique l’astronome Denis Grodent : « Le volumineux Saturne impose à son satellite d’importants effets de marée qui induisent un réchauffement des poches d’eau situées sous la surface de ce dernier. L’eau liquide ainsi chauffée peut s’acheminer jusqu’à la surface à travers les nombreuses failles qui la parcourent. Elle est alors projetée violemment vers l’extérieur, provoquant des geysers capables d’éjecter jusqu’à 300 kg d’eau par seconde à une altitude de 1000 à 1500 km. Cette distance représente plusieurs fois le diamètre d’Encelade qui est de 500 km. »

Ces éjectats alimentent un énorme réservoir de particules qui entoure Encelade. Excitées ensuite par le vent solaire, celles-ci se retrouvent prisonnières de la magnétosphère de Saturne qui les attire dans son atmosphère, vers ses pôles. Là, elles entrent en collision avec les particules qui composent cette atmosphère, créant ainsi les empreintes aurorales d’Encelade observées sur Saturne lesquelles se sont révélées étonnement grandes : leur taille angulaire dépasse largement celle d’Encelade, ce qui signifie que l’aurore représente la projection non seulement du satellite, mais aussi et surtout de tout le nuage de particules qui l’entoure.

Si plusieurs années se sont écoulées entre les prédictions de ces aurores et leurs observations, c’est à cause non seulement des configurations géométriques requises pour pouvoir les observer, mais aussi de l’irrégularité du cryovolcanisme sur Encelade. Le caractère aléatoire du phénomène a été confirmé par un second type de mesures, obtenues lors d’un intime rendez-vous de Cassini avec Encelade. Le 11 août 2008, Cassini s’est approché à seulement 55 km d’Encelade. « C’est tout à fait exceptionnel, s’exclame le Pr Gérard, car il ne faut pas oublier que cette rencontre a été programmée à une distance d’un milliard de kilomètres, alors que le rayon d’Encelade n’est que de 250 km… » Lors de ce rendez-vous, Cassini a traversé les faisceaux de particules éjectées par les geysers d’Encelade. Des variations jusqu’à un facteur 10 ont été mesurées dans l’intensité du flux de particules… et même une extinction abrupte du signal, démontrant le caractère sporadique du cryovolcanisme sur Encelade à l’origine de l’irrégularité de ses empreintes aurorales sur Saturne : une activité aurorale sur Saturne liée à Encelade ne peut se produire que lorsque le cryovolcanisme de ce dernier est ou vient d’être actif.

Ces résultats à paraître dans Nature ne sont cependant pas les premières images d’empreintes aurorales d’un satellite sur sa planète : une grande campagne d’observation du télescope spatial Hubble en 2007 a permis à Io, satellite de Jupiter, de ravir cette première place. En 2009, c’est Ganymède, un autre satellite de Jupiter, qui révèle son image magnétique aux pôles joviens, toujours sous l’œil toujours attentif de Hubble. Et maintenant, c’est au tour d’Encelade, premier satellite de Saturne à dévoiler sa lumineuse empreinte sur sa planète.

Au tour de Jupiter

La mission Cassini va jouer les prolongations jusqu’en 2017, offrant à l’équipe liégeoise du LPAP une nouvelle campagne d’observations de la géante aux anneaux qui démarrera dans les prochains mois. Signalons également le lancement en août prochain du satellite Juno auquel sont associés le Centre spatial de Liège et le LPAP. Juno sera le premier instrument à observer les pôles de Jupiter, laissant présager de belles images aurorales semblables à celles de Saturne renvoyées par Cassini. On le voit, les observations d’aurores sur les géants Jupiter et Saturne ont encore de longues années devant elles.

Elisa Di Pietro

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