Raccourcir la distance entre la recherche théorique et l’application clinique : telle est l’ambition conjointe de l’Université et du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Liège. Avec l’aide financière de la Région wallonne et de Meusinvest, les deux partenaires liégeois ont décidé de créer une société de services dont la mission essentielle sera d’accélérer le processus : le Centre d’innovations médicales (CIM).
« Lorsque j’étais jeune chercheur, se souvient Jacques Boniver, professeur émérite à l’ULg et ancien directeur du service d’anatomie et de cytologie pathologiques du CHU, je travaillais sur des souris dans mon laboratoire et je ne me souciais guère de savoir si mes travaux pouvaient déboucher sur une application clinique. Aujourd’hui, on veut “booster” la rencontre car un double besoin est apparu. D’une part, les chercheurs souhaitent désormais donner un sens supplémentaire à leurs travaux ; d’autre part, les cliniciens prennent conscience que les traitements actuels ont atteint leurs limites et que seule une compréhension plus fondamentale des maladies permettra un avancement médical considérable. »
La “recherche translationnelle” a donc pour objectif de générer, rapidement, de nouvelles applications concernant le pronostic, le diagnostic et le traitement des diverses pathologies à partir des connaissances nouvelles. Il s’agit principalement de sensibiliser les chercheurs aux enjeux cliniques actuels et d’encourager les médecins à transmettre leurs observations aux chercheurs fondamentalistes, le tout afin d’accélérer la traduction des connaissances scientifiques dans les soins. A l’heure actuelle, on compte déjà une cinquantaine de thématiques de recherche translationnelle associant 70 personnes, médecins, chercheurs et entreprises. Le laboratoire de thérapie cellulaire et génique du Pr Yves Beguin est déjà extrêmement impliqué dans la démarche.
Concrètement, un projet translationnel peut émerger d’une question posée par une structure clinique. En 1982, une épidémie de maladie de Parkinson chez de jeunes gens apparaît aux États-Unis. L’intoxication par une drogue de synthèse a été prouvée par une recherche clinique. Transférée à des laboratoires de recherche, l’étude de ces cas cliniques a permis d’améliorer la connaissance des mécanismes fondamentaux de la maladie de Parkinson, entraînant en retour une meilleure prise en charge des patients. L’encéphalopathie spongiforme bovine (la maladie de la vache folle) est un autre exemple, plus récent, de recherche translationnelle ayant un point de départ clinique.
Inversement, un projet translationnel peut également naître d’une recherche fondamentale. Il y a une quinzaine d’années, le Pr Philippe Delvenne (service d’anatomie et de cytologie pathologiques du CHU) s’intéressait aux travaux du Pr Jacques Boniver qui était parvenu à interrompre le processus de formation d’un cancer chez des souris par l’injection de cytokines durant la période précancéreuse. Il eut l’idée d’appliquer ce résultat à une maladie humaine, à savoir le cancer du col de l’utérus causé par les papillomavirus humains. Un gel contenant des cytokines a été administré dans l’espoir de normaliser les réponses immunitaires dans le col et de se débarrasser des lésions à l’origine du cancer cervical. Suite au succès d’études fondamentales in vitro et chez l’animal, des tests cliniques sont en cours en vue de proposer une nouvelle approche thérapeutique à des patientes : un gel contenant des cytokines peut être appliqué dans l’espoir de normaliser les réponses immunitaires dans le col et de se débarrasser des lésions à l’origine du cancer cervical.
Dans les conclusions de l’étude commandée par le GRE-Liège sur les spécificités du potentiel liégeois dans le domaine des sciences du vivant, la société de consultance Bionest a souligné notre potentiel dans la recherche translationnelle. Afin de renforcer cette dynamique associant chercheurs et cliniciens et répondre plus rapidement aux industries pharmaceutiques, biotechnologiques et de diagnostic, l’ULg, le CHU et Meusinvest ont décidé de se doter – avec le soutien de la Région wallonne – d’une structure capable de coordonner les projets, d’évaluer leur potentiel et de leur donner une visibilité auprès de ces industries.
Parmi les services proposés, le CIM pourra notamment accompagner des équipes scientifiques dans la rédaction et la coordination de leur projet ; il mettra également des salles blanches et des locaux sur le site du CHU à la disposition des entreprises. Une coordination sera organisée pour repérer les projets présentant un fort potentiel de transversalité et de valorisation économique et médicale ; une personne sera engagée pour la promotion des activités auprès des entreprises, en collaboration avec l’interface Entreprises-ULg, WBC et Cide Socran. Elle sera le point de contact des industriels pour l’ULg et le CHU.
Patricia Janssens (avec Elisa Di Pietro)
Photos : J.-L. Wertz